Partie 11 [Camilo x Graham]

[Graham]

Le garçon laissa entendre un long soupirement tandis qu'il se laissait glisser contre le mur. Les jambes écartées, le visage pâle et la mine fatiguée, il contemplait les environs. C'était un endroit sale, terne, lugudre. Certaines personnes étaient allongées sur des matelas déchirés, silencieuses. Certains murmures des quelques personnes encore saines d'esprit pouvaient se faire entendre. Graham observait ses mains gantées, bleues plastiques. Son habitude à les passer dans ses cheveux n'était pas la bienvenu lorsqu'il était ici. Qui sait ce qu'il touchait et ce qu'il allait retrouver dans ses cheveux ? En même temps, personne ne patrouillait avec des chiens par ici. De plus, il avait palcé un ruban autour de ses cheveux pour les garder hors de son visage. Graham ne risquait rien.

Rien, tant qu'il respectait les nouvelles règles. Assis par terre comme un enfant abandonné, il replaçait son débardeur avec le moins de contact possible. Ceux qui dirigeaient l'endroit n'avaient rien de ce qu'avait connu Graham auparavant. Il le ressentait plus qu'il ne pouvait le remarquer en réalité. Ses souvenirs étaient bien trop lointains et se mélangeait à tout ce qui pouvait se mélanger. Mais ici, Graham s'empêchait coûte que coûte de penser à Camilo. Ce n'était pas le moment de culpabilisé. Mais maintenant qu'il avait un moment de pause, il retira l'un de ses gants, récupéra son portable et fixait l'écran, le visage morose.

(Oof je regrette un peu de l'avoir appelé Frank maintenant qu'il est important le bonhomme)

[Frank]

C'était trop facile. Il m'avait fallu si peu de temps pour renverser la situation à mon avantage, en revanche je guettais cette opportunité depuis bien plus longtemps. Le temps était au changement. Aussi respecté était l'ancien Don par le passé, son fils n'était qu'un gabarit de bas étage à côté. Il nous ménerait tout droit à notre perte, et il n'y a rien de plus parlant qu'un coup d'état pour prendre le pouvoir. 

Et voilà ce que nous faisions depuis plusieurs mois.  La plupart des gangs n'ont pas été difficile à persuader : ils rêvaient de plud de pouvoir, et de respect. Le respect qui dans notre domaine se traduit par la peur du plus fort. Le groupe affilié aux triades chinoise ont une bonne partie de la main-mise sur un bon paquet d'armes, ce qui est parfait quand on cherche à renverser les anciens. Ahaha, ils sont censés être de loyaux membres, mais comme il est drôle de se dire que la loyauté ne vaut pas plus que quelques billets.

Maintenant que je n'avais plus Camilo dans les pattes, les choses accélèrent. Ça aurait pu être problématique s'il aurait signalé la présence de la Nurserie à Emilio. Par bon principe de mafieux, le chef des Delluccis aurait probablement tout rapporté aux triades et au Strickland. Des dealers indépendants sur le territoire des Strickland ? Les petits gangs n'ont le droit qu'à Westown pour ce qui est de leur autorité. Oui, plus pour longtemps.

Et puis il y avait la Nurserie. Ça n'avait pas été compliqué non plus de négocier avec ceux-là. On peut dire que je vois un grand potentiel dans ce hangar si on arrive à la jouer fine. Il fallait parler de la suite des événements avec les prétendus gérants de cet endroit. D'où ma présence. 

Je n'ai pas vraiment cherché à me présenter, plutôt aller droit au but. J'ai attrapé le premier bonhomme qui passait par là, sans tact. Je n'ai pas de temps à perdre avec le menu fretin.

“-Amène-moi ton supérieur. Ou peu importe, quelqu'un de plus haut gradé que toi.”

(Mdr x'D)

[Graham]

Ce n'était pas la manière dont Graham s'imaginait que le silence allait être brisé, s'il devait l'être. Ca devait être important, vu la requête du type. Mais ce n'était peut-être pas la meilleure manière de l'exprimer.

Graham releva d'abord les yeux de son portable, le regard sombre. Il fixait dans le vide un petit moment, pour être sûr de bien avoir entendu. Ne pas se faire remarquer, ne pas se faire remarquer...

Graham ravala sa salive et toute la colère qu'il pouvait subir à entendre des paroles aussi irrespectueuses. Mais ce n'était pas son univers et il n'allait pas provoquer un chaos total pour si peu. Il se releva en grognant un peu, avant de pointer vers un escalier qui menait à l'étage.

" - Là-haut. Tu veux pas que je te tienne la main non plus pour grimper, peut-être ? Faut juste faire gaffe à où on pose le pieds, les marches sont tr-.."

En tournant le regard, Graham se figeait sur place. Sa main retombait à ses hanches, tandis qu'il observait la personne en face de lui avec un air ahuri sur le visage. Lui, difficile de l'oublier. Graham serrait son portable d'une telle force dans sa main, et de l'autre son gant grinçait. Il n'ouvrit plus la bouche, par peur de s'enfoncer davantage. C'était quoi son nom, déjà, c'était quoi son nom à ce connard... Et comment allait-il en parler à Camilo ? Il le fusillait silencieusement du regard, attendant qu'il s'en aille pour réfléchir à la situation. Ce n'était pas bon signe de le voir traîner par ici.

[Frank]

Le gosse était rivé sur son téléphone, et je n'ai pas l'intention de me répéter une seconde fois. J'attends plusieurs secondes après une once de réaction de la part du gosse. Je le regardais de haut -c'est le cas de le dire. Dans une ville normale, j'aurais pu me dire “Pauvre petite chose”, sauf qu'aux dernières ce n'est pas une façon illégal de gagner sa vie. L'illégalité est la légalité même de Desmios. Desmios est une ville de non-lieu sans précédent, et ce qu'il fait le petit stagiaire, ce n'est ni plus ni moins qu'un boulot normal. Ahaha, il ne sait pas dans quoi il s'est embarqué.

Ah, il n'est pas sourd au moins, mais il faudrait le remettre à sa place. Il retient de me cracher tout son venin à la figure, mais puisqu'il m'a dit ce que je veux savoir, je n'ai pas plus de temps que ça à perdre avec le menu fretin. 

Et voilà qu'il a pâli, d'un coup. Ou que sa mine s'est assombri ?  On dirait qu'il a vu un fantôme. Toujours est-il que plus aucun mot ne sortait de sa bouche. Est-ce qu'il venait de comprendre sa place dans la chaîne ? Elle est suffisamment basse pour que je l'écrase s'il fait davantage de remarque désobligeantes à l'avenir. 

Mais, laissons couler pour cette fois. 

“-Choisis bien tes mots en fonction de celui à qui tu t'adresse, la prochaine fois.” 

Conseil gratuit de ma part. Je ne m'attarder pas plus et part suivre la direction qu'il m'a indiqué.

[Graham]

Graham ne put s'empêcher de se pincer la lèvre, de grincer des dents. Il était loin du chien que l'on pouvait domestiquer, mais n'avait pas non plus la force dans les mâchoires pour se défendre. Cela ne servait à rien d'aggraver la situation. Il laissa l'homme passer à côté de lui, tout en fixant son chemin attentivement. Personne ne leur accordait de l'importance.

Il attendit un moment que l'homme soit partie, hésitant. Il pouvait très bien appeler Camilo, mais ça voulait dire vendre la raison de sa propre venue dans un endroit pareil. Non, il pouvait faire sans lui. Il se mit à suivre silencieusement, avec beaucoup de concentration l'inconnu qu'il l'avait interpelé. S'il ne s'était pas perdu, cet idiot devait avoir trouvé la bonne salle, où les leaders c'étaient installés.

Il observa les alentours de l'étage pour être sûr, avant de grimper tout en haut. La porte était fermée, forcément. Il ne devait pas être là pour discuter de la pluie et du beau temps. Mais quel intérêt de venir ici ?

[Frank]

C'était un endroit déplorable parmi de nombreux autres : une vraie salle de shoot comme on peut espérer avoir. Mais, on peut toujours espérer en tirer quelque chose de bien meilleur que son début. Les escaliers sont decrépis, et comme il est de vigueur, je préfère redoubler de prudence plutôt que d'y aller à l'aveugle.

J'ai laissé le petit vermiceau derrière, dont le visage ne m'est pas tant inconnu puisque j'y repense. J'ai déjà dû l'avoir croisé de temps à autre au début des affaire, puis si son nom ne me revient, je pars du principe qu'il ne pas marqué tant que ça. Ça ne vaut pas la peine d'essayer de chercher plus loin que ça.

J'ai reconnu celui avec lequel j'avais commencé le deal, au tout début. Ils se fournissaient chez nous, comme tout le reste de la ville. Le problème, avec la nurserie c'est qu'il y avait eu des modifications de la marchandise. Le genre de modifications qui mènent à la mort. J'ai sauté sur l'opportunité en me débarrassant de leur petit problème, ce qui n'a pas été fait de bon coeur. J'ai juste vu là l'occasion de rallier des indépendants à l'unification des gangs qui arrivera sous peu. Et depuis, on peut dire qu'on faisait affaire. Je leur refournis la drogue, sans modif', et ils m'aident quand j'en ai besoin.

La porte fermé, je me tourne vers les concernés, et on commence à parler affaire.

[Graham]

Le jeune adulte ne put s'empêcher une grimace. Si l'odeur du hangar ne pouvait pas l'atteindre, les ennuies eux pouvaient se sentir à des kilomètres. Un pas après l'autre, silencieusement, il se rapprochait de la porte. Il ne pouvait rien entendre de là où il était. A un moment donné, il se pencha au-dessus de la rembarde, fixant les gens en bas. Personne n'avait bougé, ou piper un mot. De haut, c'était une scène macabre. Il ne pouvait pas distinguer les vivants des morts.

Il abandonna la scène pour retourner vers la porte, sans se caler contre, mais juste à côté, tout près pour essayer d'entendre ce qui se disait. Ca risquait d'être difficile d'en parler à Camilo sans avoir de bonnes explications à lui fournir. Il ne voulait pas plus mentionner la Nurserie qu'il ne voulait mentionner son tireur, après tout. En même temps, il essayait de se remémorer son prénom en réfléchissant. Ce n'était pas Russo, Graham en était sûr, il l'avait déjà vu à la Luce, il ne savait plus quand. Et c'était lui qui avait tiré sur Camilo au préalable. Le type était dangereux et n'aurait pas hésiter à bousculer Graham si le jeune homme n'avait pas tenu sa langue. Il jeta un coup d'oeil à son portable, au numéro de Camilo en réfléchissant, avant de l'éteindre. Pas maintenant.

[Frank]

“-On va commencer à accélérer les choses.” ai-je simplement constaté. 

Deux Aînés, qu'on les appelle ici. Ils refourguent la drogue aux autres, un vrai restaurant pour les addicts : ils la préparent comme souhaité pour celui qui l'a demandé. Autant d'organisation pour faire une chose pareille, ça peut paraître pitoyable, pour moi ça ne peut qu'attirer la clientèle concernée, et Dieu sait que ce n'est pas ce qui manque ici. 

Les deux concernés se sont échangés un regard, comme pour se mettre sur la même longueur. Ce n'est pas bien grave, au final ils finiront par se mettre de mon côté parce que j'ai toujours une longueur d'avance.

L'un d'eux a enfin pris la parole.

“-Tu t'es chargé de notre problème ?” 

Par problème, il entend Camilo. Camilo aurait pu problème, et c'est bien plus pour cette raison que je l'ai tué que pour un soi-disant faux pas de sa part. Je le pensais sincèrement quand je disais qu'il m'a facilité le boulot. Le simple fait qu'il n'est pas tué Russo, c'était gagné : Russo ayant changé de camp, Camilo ne l'ayant pas tué, il a suffi de convaincre les autres que Camilo n'était pas aussi loyal qu'il le disait. Je l'ai fait passé pour un des rebelles qui aident à faire fuir ceux sous notre protection, de mèche avec ma propre rébellion. Et le tour est joué : mort, et tourné en disgrâce. C'est bien mieux que ce que j'aurais pu imaginer.

“-Évidemment, entre associés on se rend service.”

Associés, heh. Soi-disant. Après cet aveu, mes deux interlocuteurs se sont quelque peu détendus, dans la mesure du possible.

“-Ça se passe comment, alors ?”

J'ai doucement sourit, en fredonnant. J'ai cru qu'ils ne demanderaient jamais.

“-On va attaquer les trois mafias en même temps, au même moment.”

Je n'ai rien fait au hasard.

[Graham]

Plus il les écoutait, plus Graham se prenait les pieds dans un dilemme monstrueux. Il ne comprenait pas tout ce qu'ils se disaient, et le peu qu'il arrivait à entendre n'était pas très clair non plus. Mais attaquer les trois triades n'étaient pas tomber dans l'oreille d'un sourd. Qu'est-ce qu'ils essayaient de faire ? N'était-il pas du même camp de Camilo ? Oui mais, il semblait faire des affaires avec la Nurserie, soit un gang indépendant. Plus il réfléchissait, plus les choix à faire devenaient complexes à comprendre et à sélectionner. Il se mordait la lèvre en réfléchissant.

D'un côté, pourquoi ne pas les laisser faire, et attaquer les triades ? Ils pouvaient se casser les dents, les trois mafias étaient réputées terribles pour une raison, et régnaient sur Desmios depuis si longtemps parce qu'elles formaient une élite intouchable. Mais sans elle, Desmios pourrait reprendre un semblant de calme et de justice. Sauf que Graham comprenait bien que les faire sauter n'était pas motiver par une envie d'un futur meilleur. Si elles tombaient, et qu'ils récupéraient Desmios, ce serait une situation probablement pire qu'à présent. Et Camilo dans tout ça ? Graham colla son dos contre le mur, silencieusement. Il devrait peut-être appeler Camilo, au fond.

[Frank]

“-Et comment tu comptes faire ça ?” 

C'est pas comment je compte faire ça, c'est déjà en marche. Je me suis adossé sur le mur avoisinant. Ils n'ont pas vraiment besoin des détails, on ne révèle pas ses meilleurs cartes à n'importe qui. 

“-Disons juste qu'il y a des tensions entre les Delluccis et les Triades, et qu'elles ne vont pas tarder à exploser.”

Évidemment que si les Delluccis accusent les Triades de leur voler des gens sous leur protection, ça ne peut créer que des tensions. C'est encore plus facile que je n'aurais pu espérer que ça le soit. Il me suffisait de tirer sur un fil pour que tout se déclenche. 

“-On a suffisamment d'armes pour répondre à une riposte des Strickland s'ils interviennent.”

Les Strickland, c'est le seul hic de l'histoire, ces derniers étant une multinationale, ils ont les ressources nécessaires pour tout mettre à l'eau. Mais, encore heureusement pour nous, puisque c'est une immense compagnie, ils doivent le moins possible s'affilier à la mafia pour les médias, et donc par ricochets, ils se font le plus discret possible. C'est une aubaine, il faut le dire. 

“-Et on gagne quoi, dans tout ça ?”

“-Comme prévu, la mainmise sur la drogue.”

(Oof désolée si je prends du temps je réfléchis en même temps que j'écris, pour éviter les faux-raccords xD)