Partie 5 [Camilo x Graham]

[Graham]

J'ai longuement observé Camilo tandis qu'il me parlait de son bouquin et de cette étrange citation. J'ai pris du temps pour réfléchir, bercé par le son de la mer et le mouvement des vagues.

Je trouvais que c'était stupide. Je n'avais rien à prouver à personne. Je voulais juste voir où je pouvais aller. j'aurai pu y rester, et personne ne se serait souvenu de moi, je-...

Je me suis arrêté de marceher en percutant ce qui venait de tomber dans l'eau. Merde, pensais-je, merde merde merde. Je me suis passé mes mains encore salées sur le visage, essuyant mes yeux. Je n'avais pas envie de repenser à ça maintenant, pas maintenant...

Je me suis retourné, dos à Camilo, pour essayer de me recomposer. Les larmes m'étaient monté si vite que je n'avais pas fait attention. Je me suis passé une main dans les cheveux, qui restaient sur mon crâne plus facilement avec l'humidité. Et puis, je regardais l'horizon, pensif.

" - Pour être honnête, je le referais sans hésiter."

Pas par courage ou stupidité ou peu importe. Simplement parce qu'il n'y avait rien d'autre à faire, et pour le coup, personne à inquiéter. Je pouvais plonger et plonger des dizaines et des dizaines de fois avant d'atteindre le fond, il n'y avait plus personne. Que ce soit le sable ou la drogue, cette fois, ça ne faisait plus réellement d'importance, on se noyait de la même façon.

[Camilo]

La température de l'eau ne me faisait plus autant d'effet qu'au début. Maintenant, c'étaient juste des chatouilles qui me procuraient des picotements sur le bas de mes jambes, là où c'était mouillé

En restant suffisamment longtemps dans un endroit, on pouvait s'y habituer. Il ne fallait juste pas accélérer la procédure plus vite que nécessaire -ce que je n'ai pas fait, parce que le choc pouvait nous tuer. Pour la mer, il me semble qu'on est censé se mettre de l'eau sur la nuque avant d'entrer, pour ne pas être surpris. C'est bien pareil partout, même dans la pègre. Choquant au début, mais on s'adapte.

“-Pourquoi ?” 

Je me tournais vers lui, qui me faisait dos, je ne voyais que son profil, qui fixait un point vide, l'horizon. 

“-Si tu penses que c'était si stupide, pourquoi le refaire ?”

[Graham]

Convaincu que mon regard avait repris de l'assurance, j'ai tourné les yeux vers Camilo. Même avec du temps à tuer, pourquoi refaire quelque chose d'aussi dangereux ? Même si je pouvais aller plus loin, ce n'est pas pour autant que je pouvais me pousser jusqu'au fond. Encore une fois, je me retrouverais bloqué au milieu.

" - Je n'en sais trop rien... c'est une sensation viscérale."

Je ne comprenais pas réellement moi-même. Je suis allé au delà de la crevasse une seule fois, je m'en rappelle, quand j'étais petit. Mais, à l'arrière, loin dans ma mémoire, j'avais l'impression que ce n'était que la première fois, et que d'autres tentatives avaient suivis. La sensation viscérale qu'une main s'était jeté à l'eau à chaque fois pour me récupérer. Mais je peux très bien avoir rêvé ces faux-souvenirs.

" - Tu viendrais me chercher si je risquais de mourir là-bas ?" demandais-je, taquin

Ma question était à double tranchant. Je l'avais sorti comme une blague, mais elle avait un tel poids sentimental pour moi. Après tout ce qui s'était passé, j'avais coupé les ponts avec quasiment tous ceux que je connaissais. Ledger ne viendrait pas. Et puis, Camilo avait trop de choses à faire de toutes façon. Je ne lui en voudrais pas s'il disait non. Mieux valait ça que de continuer à l'ennuyer avec mes conneries.

(Pfff alors écoute j'étais en train d'écrire mon petit pavé, et il y a une chanson qui s'est mise dans ma playlist. Alors je ne suis pas du tout sûre que les paroles définissent bien nos deux personnages -pas du tout, mais le titre de la chanson est assez évocateur donc je te la partage dans le doute : Fear of the Water, SYML 

Libre à toi d'aller écouter ou non :D)

[Camilo]

Je me tournais vers lui au mot viscérale, le regardant droit dans les yeux. Le mot viscérale m'a fait quelque chose, un pincement au coeur. Parce que j'avais connu ça, il y a longtemps. Ne pas savoir pourquoi on faisait ça, on disait ça, on pensait ça, et que rien ni personne ne faisait barrière pour empêcher cette sensation viscérale de passer au travers. Le fait de ne pas savoir rend fou, triste et aigri. Et il y a moment où on arrête de chercher à comprendre, parce que à quoi bon ? Si on ne peut pas lutter contre, autant plonger en plein dedans. 

Dans la crevasse. 

Est-ce que je viendrais ? Le chercher au fond de sa crevasse, en sachant qu'il en mourrait si je ne le faisais pas. Si tout le monde le laissait au fond de sa crevasse, à faire mine de ne rien voir. Et qu'il finirait par se noyer, se noyer et se noyer si bas qu'on préférerait l'oublier.

Moi, j'aurais voulu qu'on vienne me chercher quand je me suis fait engloutir dans cette masse noire qu'est la mafia. 

Alors je m'approchais de lui, pour poser mes mains sur ses épaules. J'ai planté mon regard dans ses yeux, il le fallait. Il fallait qu'il comprenne que j'étais sérieux, que, même si c'était hors de ma zone de confort -si loin de ma zone de confort , j'irai le chercher, dans sa crevasse. Pour ne pas qu'il s'y noie, qu'elle soit métaphorique ou non.

“-Graham, je le ferai.” 

(Enorme x'D Du coup j'écoute, so far so good j'aime bien !! :D)

[Graham]

Je l'observais, amusé par ma question. Il n'a pas répondu tout de suite, cependant, ce qui m'inquiétait un petit peu. Vous savez, c'était ces petits moments cruciaux où vous regrettez tout ce que vous avez choisi de faire, d'entreprendre, de montrer aux autres. C'est plus facile de faire en sorte que tout va bien, que d'ouvrir la porte et trouver votre temple saccagé par la bêtise des autres.

Son contact et son rapprochement soudain m'a fait un drôle d'effet. Je n'ai pas pu m'empêcher de rougir sans m'en rendre compte, plongeant mes yeux dans ceux de Camilo. Il n'avait pas l'air de rire, lui. Il n'avait pas du tout le regard de quelqu'un qui blaguait. C'était sérieux, lourd et grave. Et ses mots m'ont fait l'effet d'une gifle. Achevé, je n'ai pas pu m'empêcher de rire nerveusement que j'étouffais dans ma main. L'envie de pleurer me reprenait, mais elle se contentait de me tirailler le bas ventre et serrer ma gorge. J'ai finis par afficher un sourire et passer sous l'un de ses bras pour fuir son contact.

" - Même si elle te fait peur ?"

Quelque part, je me disais qu'il ferait ça au premier venu et que c'était probablement dans sa nature. Mais mon nom, prononcé de sa voix, résonnait dans ma tête pour me prouver le contraire. Malgré tout, malgré le froid qui engourdissait mes jambes, je ne me suis jamais senti aussi brûlant, sur les joues et dans la poitrine depuis longtemps. Je ne le savais pas vraiment, mais c'était exactement ce genre de chose dont j'avais besoin maintenant.

" - Si tu te noyais là-bas je viendrais aussi. Je nous remonterais tous les deux. Je sais nager. Camilo."

Je n'oubliais pas non plus de prononcer son nom, comme pour signer une sorte de promesse. J'avais l'impression d'être le seul à l'entendre. Espérons qu'elle ne soit pas gravée sur l'eau.

(Aaah tant mieux ! Vraiment c'était juste pour le titre, ça m'a triggered quand je me suis rappelé du nom de la chanson x))

[Camilo]

Si ça ce n'était pas une demande d'ami embarrassante, je ne sais pas ce que c'était, en plus d'être une promesse solennelle. Et je n'ai qu'une parole.

J'ai laissé mes bras flotter dans le vide un moment. Graham n'était plus là pour soutenir leur poids avec ses épaules, mais je ne les relâchais pas tout de suite. Ils étaient témoins du serment je venais de faire à ce drôle de garçon, et je me devais de me l'imprégner. Ces paroles avaient des conséquences que Graham n'a pas tardé à me souligner, derrière moi.

J'ai relâché mes bras brusquement. Oh oui, l'angoisse que me procurait cette crevasse. Ce n'était plus sur le plan géographique -quoiqu'un peu ne nous mentons pas, mais sur le plan de ma conscience.

“-Disons que si tu pouvais éviter d'aller te noyer là-bas en particulier, ça m'arrangerais grandement.” plaisantais-je

Ma crevasse à moi, je m'y suis déjà noyé. Elle est devenue le bord de la plage sur lequel je n'ai pas peur d'être car j'ai pris goût aux ténèbres qu'elle abritait. Et tant qu'on ne demandait pas de foncer dans ma nouvelle crevasse, je pense pouvoir le supporter.

Mais ce n'est pas ma crevasse là, c'est celle de Graham. La représentation de mes craintes n'étaient pas fondées sur les même que celles de Graham, et pour ça je pourrais aller le chercher s'il se noyait.

Alors je me retournais de nouveau vers lui. Je faisais tellement abstraction de l'eau, du vent, de tout. Tout ce qui comptait, c'était cette conversation que j'avais.

Je secouais la tête à sa dernière phrase. Non, pas besoin Graham. J'ai pas besoin d'être sauvé moi. Je vis avec ma vie, mais sur ce point là c'est trop tard pour moi.

“-Il y a des tas de gens qui méritent de finir dans cette crevasse. Mais tu n'en fais pas parti.” 

Moi en revanche ahaha...Peu importe, il ne s'agit pas de moi, mais de lui.

(Non bah elle vraiment cool du coup je l'écoute en boucle !)

[Graham]

J'avais la forte envie de me laisser tomber en arrière et de chtuer dans l'eau. Hm, quelques mètres plus loin, la chute aurait été plus agréable, notamment parce que l'eau était un peu plus profonde; sans forcément parler de l'espèce de falaise de sable plus loin. J'aurai voulu m'enfuir, disparaître de sa vue, et en même temps j'aimais cette situation. Je lui ai répondu par un large sourire, écartant les bras pour profiter du vent. Je n'aimais pas inquiéter les gens, alors, je n'irais pas au fond, je ne toucherais pas le fond, c'est promis.

" - Qui sait. Peut-être que je suis un ancien tueur juvénile qui a refait sa vie ? T'as jamais entendu parler des gamins qui sortent d'établissement et qu'on refourgue aux cuisines ?"

Ce genre d'histoires, j'en avais des tas. C'était avec ce genre de types que je trainais. Des mecs bizarres, des criminels, des types qui ne pouvaient pas s'empêcher d'amasser les pires trucs possibles. Je les côtoyais, mais je n'en faisais pas partie pour autant. Pour la drogue, si. Pour un meurtre, j'espérais que non. Mais je ne me sentais pas assez... maléfique et intelligent pour avoir évité la prison jusque là, et dans le peu de mémoire qui me restait je ne me rappelais pas d'une prison.

" - C'est peut-être pour ça que tu m'aimes bien, qui sait, t'as vu que j'étais un type ultra dangereux." continuais-je, amusé

J'ai glissé ma main dans l'eau, pour l'asperger d'un coup sec, le regard joueur.

(Ahaha c'est cool que tu l'aimes bien ! Je ne sais plus où je l'ai entendu, j'aime bien télécharger des titres au pif sur YouTube xD)

[Camilo]

La conversation s'est faite moins grave, moins rigide. Au contraire, elle s'assouplissait et redevenait que vagues. J'en venais à me demander quand est-ce que la prochaine secousses apparaîtrait.

“-Pour régulièrement devoir travailler avec des gens comme ça, tu n'en as pas vraiment le profil.”

Il n'y avait pas que la mafia dans nos cordes. Quelques fois, il fallait aussi que l'on fasse appel à des organisations, à des gens qui ne rentraient pas forcément dans notre cercle de compétence. Ces gens, Graham les décrivaient parfaitement bien. Alors, peut-être qu'il en a côtoyé dans sa vie, ça n'aurait rien d'anormal -il y en a dans chaque coin des rues, mais lui ne leur ressemblait pas.

Mes poils se sont tous hérissés à l'unisson, et j'ai instinctivement fait un bon en arrière en sentant l'eau GLACIALE me rebondir de dessus. Je m'étais redressé, aussi droit qu'un bâton, tellement je n'avais pas prévu son coup.

Je l'ai regardé, incompréhensible à ce qu'il venait de faire. Mais, pourquoi ? 

“-T'es peut-être pas dangereux, mais t'aimes bien provoquer le danger, ça c'est sûr.”

Et pour insister je plongeais ma main dans l'eau, en l'éclaboussant à mon tour. Oh, Graham, tu as commencé la guerre.

(Je vais dodo bonne nuit ~)

(Oki ! Bonne nuit !! ~)

[Graham]

J'ai manqué de chavirer en essayant d'éviter l'éclaboussure. Un rire émana de ma gorge, tandis que je laissais l'eau m'asperger plutôt que de risquer la chute. Je suis resté un moement sans bouger, regardant mon t-shirt, mon pantalon, là où j'étais mouillé. Je lui ai lancé un regard carnassier, plongeant mes mains dans l'eau.

" - T'es pas en position de parler dans ce coin, mon grand. C'est mon territoire !"

Je trouvais ça drôle d'essayer d'inverser les rôles. Je pouvais porter le masque ou jouer le jeu, pour l'humour, mais si j'étais mis en face des mêmes épreuves que Camilo... Je crois que j'aurai retourné le fusil contre moi. Boire la tasse me paraissait plus douce que de l'infliger à quelqu'un d'autre.

J'ai écopé un peu d'eau dans ma main, me redressant sans perdre Camilo des yeux. Mon sourire non plus ne perdait pas en intensité. Je ne comptais pas lui envoyer tout ça sur lui, malgré tout. Hm, sauf s'il cherchait vraiment. Mais je voyais bien que le froid lui était facilement fatal. Je risquais d'en entendre parler si je le rendais malade dès lors que l'on se croise. J'ai haussé un sourcil, provocateur.

" - Sauf si tu veux parier là-dessus." je roucoulais

(Hey !)

[Camilo]

“-Peut-être, mais je m'adapte plutôt bien si je le veux.”

J'abordais un grand sourire en coin désormais, en le surveillant du regard.  Je ne suis pas aussi puéril d'habitude. Il ne fallait pas être devin pour savoir que si on se lançait dans une bataille sans merci de par ce vent, et la température de l'eau, ce serait irrévocable : Graham et moi tomberions malades le lendemain. Je ne le souhaitais nullement, ni à lui, ni à moi. 

J'ai laissé paraître un regard espiègle, en écopant un peu d'eau dans le creux de mes mains, moi aussi. En me penchant, je pouvais distinguer mon visage dans la petite marre d'eau qui prenait vie. Une silhouette floue, que j'aurais eu dû mal à reconnaître si ça n'était pas la mienne. 

“-Si tu ne paries pas le premier, je ne te suivrai pas.”

Avertissement ou provocation ? Je m'amusais à imiter l'action de lui balancer ce que j'avais dans les mains, sans le faire pour autant. Oh, je n'en ferais rien s'il fait de même, simple précaution.