Résolu Partie 6 [Caleb // Daniel]

[Daniel]

J'ai pas insisté. Je n'en avais pas besoin, et surtout je n'en ai pas le droit. Je n'en ai pas la force non plus...À l'heure actuelle, je n'ai rien pour moi. J'étais mort, les morts ne demandaient rien, c'était l'un des avantages d'être mort. Normalement.

"-Non, je vais me doucher. Je suis trop crade là."

Normal, j'ai passé deux ans sous terre. Et j'ai besoin de temps seul. J'ai besoin de réfléchir, de trouver une explication à ce qui m'arrive. D'accord, mais pour faire quoi ensuite ?

Je suis sorti de ma chambre. Mon ancienne chambre, mon ancienne vie, qui maintenant me revenait. Ahaha...Je me suis mis à accélérer le pas, pour aller dans ma salle de bain, m'y enfermer. Encore une fois.

"-Putain de merde."

J'étais quoi, au juste ? Je n'étais pas humain ?... Toutes les fois où on me l'a dit, et que j'en riais. Alors, je n'étais réellement pas humain. Bizarrement ça me faisait mal, d'apprendre qu'il n'y avait peut-être rien d'humain chez moi, que je n'en avais que l'apparence -et encore, ça se discute. J'ai regardé mes mains, toutes tremblantes.

Ce n'est pas possible... Je suis humain, je...Mes cicatrices sur le dos en témoignent. Elles prouvent que j'ai souffert, que j'ai été vulnérable. Si je ne suis pas humain, je...

"-Je suis quoi...?"

[Caleb]

Il ne s'endormait plus, en réalité. Les poings serrés, le cœur battant, il devait prendre une décision, qui concerne oui ou non Daniel. Avec, ou sans son gré. Avec, ou sans son accord. 

Il réfléchit longuement. Qui était le plus important ? Sa vie, ou Daniel ? Ses amis, ou Daniel ? Ses études, ses passions, ou Daniel ? Et vous savez quoi ? S'il se posait autant de questions le concernant, la réponse était claire. 

Deux ans à chialer comme une merde. Deux ans à faire un deuil infructueux. Deux ans, à rien foutre de sa vie, et c'était aussi peut-être une excuse à son ancienne existence, à son ancien lui. Peut-être qu'il en avait eu besoin, de ce choc émotionnel.

Voilà, il était temps. temps de devenir quelqu'un d'autre. De toutes manières, il était impossible pour lui de passer à côté de ce miracle. Sa nature curieuse lui en voudrait. Et il voulait savoir, égoïstement. Il voulait aussi être proche de Daniel, encore et toujours, car il s'était fait à l'idée : il était totalement drogué à lui. Il aurait pu l'oublier, mais il avait pensé que sa névrose le rendrait plus productif, artistiquement parlant. Caleb, c'est un mec qui vit dans le sensible; tout lui est clair et limpide. Si un truc existe et arrive, c'est que CE truc existe et DOIT arriver.

Alors, s'il avait dû passer dix ans en pleur, il l'aurait fait, et aurait continuellement peint Daniel et approfondi son art. Si un jour, il se serait décidé à passer à autre chose, il l'aurait fait aussi. S'il pense que c'est de sa faute, c'est qu'il y a une putain de raison.

Il ne dira rien à Daniel. Il fera comme si, tout était normal. Il cherchera le Receleur. 

[Daniel]

J'ai laissé coulé l'eau, froide. J'avais besoin d'une bonne douche froide. Glaciale, même. Ça concrétisait ce qui était en train de m'arriver, ce qu'il m'arrive. Ça calmait mes douleurs que je cachais trop difficilement en ce moment.

L'eau devenait brunâtre, terreuse. Le bout de mes doigts saignait, et ça faisait mal. Ma douleur était réelle, et elle soulignait mon humanisme. Je suis. Humain. Je le suis. Obligé.

Mes yeux s'humidifient, et se mélangent à la douche. Oui, j'étais en train de pleurer. C'était silencieux, je n'hoquetais pas. Je n'étais même pas sûr que ça se voyait, vu l'état de mon visage. Je sentais mon coeur se crisper, s'écraser. J'allais peut-être de nouveau faire une crise cardiaque, parce que mon esprit ne supportait pas l'idée que je puisse être physiquement mort.

[Caleb]

Caleb se retira de la chambre de Daniel, allant au salon. Il prit quelques de ses vêtements, les plus discrets possibles : noirs et blancs.

Il prit un poignard, celui qu'il utilisait avec son père autrefois, pour s'entraîner au lancé. Il n'avait jamais lâché le sport, malgré sa grande peine; et c'était uniquement ce qui lui restait avec l'art. 

Il n'y avait plus les vêtements de Daniel chez lui puisqu'un soir, dans une crise de démence, quelques jours après sa supposé mort, il brûla tout. Carla avait tenté de le maîtriser, en vain. Il s'était excusé des semaines et des semaines pour cette action.

Il sortit alors un haut et le plus petit des pantalons, en se jurant qu'il le rembourserait. Mais il ne lui expliquerait rien. Daniel n'a plus rien à savoir. 

D'ailleurs, Caleb comprit qu'il ne pouvait plus être aussi patient et pacifiste avec lui. Il ne le serait plus, plus jamais : il l'aimait, il était fou de lui, il serait capable de tuer pour lui et tuera celui qui lui avait fait du mal. Mais Daniel devait reconnaître la valeur de Caleb. C'était pas une merde. Et si c'en était une, alors malgré tout, il l'emmerdera. 

Ce soir, il sortirait. Il fera ses recherches. Il rentrera dans un gang ou fera un compromis avec quiconque pourra l'aider. Cette ville cachait TROP de mystères ingrats. 

Mais pour le moment, après s'être habillé, il ne dit rien, et cuisina quelque chose. Le plat "préféré" de Daniel. Il n'y avait plus aucune expression sur son visage si jovial d'antan. Non non, c'était devenu un faciès stricte et austère. Ses joues étaient plus creuses, et son corps avait prit encore plus d'importance; au vu des vêtements près-du-corps qu'il mettait. Mais il avait prit un peu plus de masses; puisque chaque soirs, il faisait du sport sans s'arrêter, criant sa rage et sa haine, et vomissait ses tripes, sa tristesse.

[Daniel]

La douche m'a bercé, longtemps, j'y été testé longtemps. D'une certaine façon, rester ici m'empêchait de faire face à ce qui m'attendait dehors, derrière cette porte. C'était plus facile à encaisser. Et pourtant, ça l'était difficilement ainsi. 

J'ai fini par sortir de la douche, au bout de 15 bonnes minutes. Difficilement. J'étais terriblement fatigué, je crois que je me surestimais aussi. Je pouvais m'effondrer, d'une seconde à l'autre sans prévenir. J'avais l'impression d'avoir été tué, que je n'étais pas revenu entier de l'autre côté. Je ne me sentais pas réellement vivant.

Je suis sorti de la salle de bain, avant de rejoindre ma chambre. Ma chambre que je ne reconnaissais pas non plus. Je ne reconnaissais rien de ce monde. J'erre, à la recherche de vêtements.

Je ne reconnaissais pas Caleb non plus. Je ne voyais plus sa jovialité renversante, son optimisme qui me déconcertait...J'ai l'impression d'être sur une autre planète.

[Caleb]

Il toqua sur la porte, rentrant avec un plateau dans les mains.

-Je t'ai fait à manger. Si tu veux te reposer, pas de soucis. Tu mangeras après, ça se mange froid après tout. Mais je te conseille de te nourir avant. J'ai appelé Carla pour qu'elle vienne te consulter, elle est médecin généraliste maintenant. Pas ce soir, ne t'en fais pas. Sûrement après-demain. Et...

Il lui donna ses vêtements, les posant sur le lit. 

-Tu devrais mettre ça sur toi. Il fait froid. Je ne pense pas qu'un corps en hypothermie pendant deux longues années puisse encore supporter davantage le froid de l'hiver. 

Il retira quelques de ses affaires et de ses peintures, les mettant au salon. Il se sentait mal à l'aise, la présence de Daniel lui était... Incroyable. 

-Bonne nuit.

Il se retira, sans davantage parler. Il retourna au salon et s'écroula littéralement sur le lit. Une ou deux heures de sommeil avant de s'en aller. Il devait juste être en forme. 

Il était quand même heureux, que ce miracle se produise. Heureux de voir Daniel près de lui. Mais c'était trop étrange pour que le cerveau de Caleb accepte ce fait irationnel. 

[Daniel]

Il n'y avait plus aucun vêtements à moi. Tout avait disparu. Il n'y avait aucune trace de mon existence, comme si je n'avais jamais existé... J'étais un nouveau-né. Je suis resté debout, longuement. Face à mon tiroir vide, tout comme mon corps. J'étais une coquille vide.

J'ai passé ma main de mes cheveux nerveusement. J'étais en pleine paranoïa avec moi-même, en conflit. Je commençais sérieusement à me demander si j'avais réellement existé, je remettais tout ce que je tenais comme acquis en question. Plus rien n'avait de sens.

Puis, Caleb est rentré dans ma chambre. Sa façon d'agir me faisait réellement flipper. Il semblait métamorphosé, transformé à tout jamais. Et il agissait avec une telle normalité que...Ça me rendait réellement malade. Mais comment réagir à ça, aussi ? Moi-même, je ne savais pas comment le prendre. Comment le prendre ?

"-Caleb, att-..."

Trop tard, il était parti. Bordel de merde. Qu'est-ce qu'il s'était passé...

[Caleb]

Il fait nuit. Et tout est calme. Je me réveille, il est trois heures du matin. Je marche doucement jusqu'à la chambre de Daniel. Il dort. Paisiblement. En boule, pas couvert. Je serre les poings. Je m'approche de son visage, lui embrassant le front.

-Désolé, Daniel. Dis adieu à mon ancien moi, avais-je chuchoté doucement.

Je le couvre, puisqu'il ne l'était pas. Je prépare rapidement quelque chose à manger pour qu'il puisse se réveiller sans rien faire, et je m'en vais en laissant le message suivant  : 

"J'ai des partiels à corriger, je ne serai pas là de la matinée. Repose toi."

Et je me suis fendu ainsi pour la première fois dans les pénombres des nuits de Desmios, quotidiennement. 

Chaque soirs, je me levais à cette heure. Les mois passaient. J'avais réussis à monter un petit gang, tous prêt à vouloir comprendre des choses irrationnelles qui se sont déroulés dans cette ville de merde. Chaque soirs, notre but était de rencontrer ce type dont Leland m'avait parlé une fois  :  le receleur. De ce que j'avais compris, on pouvait crever à tout moment. Mais soit. J'accepterai ce sort. De toutes manières, quand on meurt, on ne parle plus.

[Daniel]

J'ai très mal dormi. Non, j'ai atrocement mal dormi, en fait. Je ne pouvais pas, en même temps. J'avais gesticulé sans arrêt, et je revivais ces deux ans dans les ténèbres. J'ai passé deux ans dans le noir total. Rien ne me parvenait, et pourtant je le vivais. C'était réel. Je creusais dans le noir, en priant pour déceler une infime source de lumière. Et je ne l'a trouvais jamais. Je ne l'a méritais probablement pas, d'un autre côté.

Je m'étais réveillé avec une atroce migraine. Quelques rayons du soleil se perdaient dans les nuages épais et grisâtre. Oh merde, ce n'était pas un cauchemar.

En voulant me lever, j'ai manqué de me casser de la gueule. Je ne me pensais pas aussi près du bord. J'étais au bord du gouffre, hein. Enfin, non. J'étais tombé dans les pénombres, avant d'en sortir. Qu'est-ce qu'il se passe bordel...

(J'ai plus de batterie je reviens plus tard !)

(Oki!)

[Caleb]

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Daniel était dans sa chambre, ce jour là. On ne se parlait plus trop, et je m'étais habitué dans le fait que cet appartement était devenu le mien. Mais je ne l'avais pas dit. C'était toujours la même rengaine :  je fais à manger, je fais le ménage; mais cette fois-ci, au lieu de sortir et de me taquiner, Daniel rester presque inerte. Au fond, j'étais mort un peu aussi, donc je n'osais pas aller le voir et en parler. Je n'en avais même plus envie. Je le laisserai venir me parler s'il veut, mais pour ma part, je découvrirai ce qu'il a été et ce qu'il est par le biais du receleur.

- Tu veux sortir, faire un peu de sport ?

J'allais m'entraîner. Je pense qu'il devrait sortir un petit peu, au vu de ses journées passées ici.

-C'est quelque chose que te fera du bien. T'es pas obligé d'en faire, mais sortir et contempler la nature plutôt que ton mur, c'est mieux. En plus, je trouve que tu as trop maigris. Mange.