Partie 14 [Graham x Camilo]

[Graham]

Il ne put s'empêcher de rire, triturant le haut de Camilo à côté de lui.

" - Dans ce cas, je fais surtout ce que je veux."

Que Camilo ne méprenne pas son affection pour de la bonté ou de la compassion. C'est parce qu'il l'appréciait honnêtement er profondément que Graham était encore là avec lui. Mais dès lors que ce lien sera brisé, Camilo n'aura plus son mot à dire.

" - Et si je ne veux pas ?"

Bien entendu, il posait cette question avec beaucoup d'innocence et de plaisanterie. Est-ce qu'il se forcerait dans sa vie ? Est-ce que Graham apprécierait ça ou non ?

[Camilo]

“-Tu fais tout le temps comme tu veux.” 

Je le regardais triturer mon haut, comme preuve irréfutable pour ce que je viens de dire. Il est têtu, il n'en fait qu'à sa tête. Tout les fois où j'ai cherché à le tenir à l'écart, il est revenu à l'écart. Même pour cette histoire, quand on y réfléchit. Je ne l'aurais jamais laissé y aller si j'avais su, et encore là, ce n'est rien de plus qu'une preuve qu'il fait ce qu'il veut. Même si ça ne change pas le fait qu'il ait fait ça pour moi.

Finalement, je me suis assis dos à lui, en fixant mes mains, comme un pantin désarticulé. S'il ne voulait pas ? 

“-Alors je continuerai à le faire de loin. Je m'effaçerait de ta vie, tout en continuant de faire en sorte que tu ailles bien.”

Si je dois jouer le rôle de l'ange gardien, ce sera bien plus simple avec un rôle important dans la mafia, n'est-ce pas ? Ça me blesserait, mais je comprendrais. De toute les promesses que j'ai pu faire, celle-ci est la seule que j'ai réussi à tenir.

[Graham]

" - Tu ne peux pas te passer de moi on dirait ?"

Graham se demandait s'il était différent de celui qu'il avait connu avant, quand il avait toute sa mémoire. Il se demandait s'il était mieux maintenant ou avant, et lequel des deux Camilo préférait - si toutefois il en préférait un. Il glissa ses doigts sous le haut de Camilo, dans son dos, essayant de lui soutirer une réaction un peu moins dépressive que toutes les autres.

" - Tu sais, je pense que j'aurai quand-même chercher à te retrouver. Je me suis senti tellement vide quand je me suis réveillé. Je pense que lorsqu'on est très attaché on se sent attirer par les gens naturellement. Je crois que ce n'est pas la première fois que ça m'arrive, je suis pratiquement sûr d'avoir eu ce genre d'attache auparavant. Je ne sais plus très bien où, pourquoi, mais bon."

Après tout, ce n'était pas la première fois que Graham oubliait quelque chose. Le truc étant, c'était la première fois qu'on revenait le voir, qu'on essayait de s'immiscer dans sa vie une nouvelle fois. C'était drôle, d'être aimé à ce point. Il ne savait pas si c'était une bonne ou une mauvaise chose, mais il y a une certaine beauté dans la passion des autres.

[Camilo]

Je n'ai pas répondu à sa question, aussi rhétorique pouvait-elle être. Je me suis soudainement senti ravi d'être dos à Graham, pour qu'il n'ait pas à voir mes joues qui rougissaient à vue d'oeil. C'est ridicule, mais il a raison. Ça, et la culpabilité d'avoir eu un rôle dans la place qu'il occupe actuellement font que je suis collé à lui comme une sangsue. Si ça devenait vraiment invivable pour lui, je saurais prendre sur moi ceci dit.

Sentir ses doigts venir chatouiller mon dos m'a tendu, à cause de ce geste que je n'ai pas anticipé. Tourné vers lui, je le questionnais du regard. À quoi il joue ? Enfin, mon attention s'est recentré sur ce qu'il a déclaré, par la suite. Je n'ai jamais connu quelqu'un dont j'ai suffisamment marqué l'esprit pour qu'il se lance à ma recherche. Faut croire que je n'ai pas été assez précieux pour qu'on cherche après moi. Est-ce que Graham l'aurait fait ? On ne saura jamais.

“-Que les gens m'oublient, c'est devenu normal à force. Mais je ne voulais pas être oublié par toi.”

[Graham]

Son dos était tout chaud. Il pouvait sentir les espèces de frissons qu'il lui donnait, probablement parce qu'il était trop loin pour offrir de vraies caresses et qu'il le frôlait juste du bout des doigts. Quand Camilo s'est retourné pour le fixer, Graham avait une sorte de sourire discret, qui s'élargissait au fur et à mesure, malicieux.

Sa dernière remarque a eu l'effet d'une claque. Graham se mordait la lèvre, en réfléchissant avec beaucoup de soin à ce qu'il allait dire.

" - Camilo, je ne sais pas si j'ai perdu mes souvenirs comme on l'est perd, à cause de Desmios, ou simplement parce que j'ai reçu un très mauvais coup à la tête. Je voulais t'en parler, mais..."

Il tourna les yeux ailleurs, pensif. Il pouvait faire face à tout et n'importe quoi dans la pièce, mais pas Camilo, là-maintenant.

" - Je ne sais pas si je pourrais me rappeler de ça, même avec mes jetons."

[Camilo]

C'était chaud, la main de Graham qui parcourait mon dos. Je l'ai laissé faire comme bon lui semble en profitant de ce qu'il m'offrait à côté. C'est marrant, j'ai l'impression d'être plus fidèle qu'un Labrador, je dois sûrement l'être même. Je prends ce que le garçon a à m'offrir, ne demandant rien en échange. Si ça me permettait de garder un oeil sur lui et de pouvoir prendre soin de lui à ma manière, pourquoi je cracherais dessus ? C'est toujours mieux que de ne pas être là pour lui.

Évidemment, il y a toujours ce problème. Peut-être qu'il ne se rappellera jamais de moi comme moi je me rappelle de lui. Il n'y avait pas tant de différences entre ce Graham, et l'ancien, même aucune. Il a conservé son caractère, son sourire, son rire. Dans l'ensemble, la seule chose qui demeure différente, c'est notre relation qu'on doit rebâtir de zéro. Elle ne sera probablement pas la même que la première fois.

J'ai baissé les yeux, mon sourire triste aux coins de mes lèvres. 

“-Je sais.”

C'est comme si on cassait un verre, qu'il y a une toute petite fissure, infime. On a beau essayer de rendre son verre à l'origine, ça n'empêche pas la fissure de rester. Bien sûr, il gardera toujours sa fonction première, mais le verre ne sera plus jamais pareil.

“-Est-ce que tu me laisseras redevenir ton ami, alors ?”

S'il ne peut pas me promettre qu'on sera comme on était au tout début, est-ce que je peux au moins rester son ami ? Est-ce qu'il veut bien me laisser lui montrer que je ne veux que son bien ?

[Graham]

De nouveau, Camilo semblait morose. C'était toujours compliqué de tenir ce genre de propos en espérant que l'autre personne ne sera pas atteinte. C'était peut-être une grande preuve d'affection, mais elle touchait Graham aussi. Il n'appréciait pas voir son visage prendre ces traits sombres. Il pinça le haut de Camilo et le tira à lui pour le faire tomber à côté sur le lit, essayant de garder un semblant de sourire.

" - Tout dépends. Qui es-tu ?"

Il pouvait le laisser redevenir des amis une centaines de fois si Camilo en avait toujours la force. Mais il ne voulait plus qu'il lui mente, même si c'était pour se protéger. Il fallait que ce soit Camilo, et personne d'autre. C'était son entité, son existence, contenue dans un seul mot. Il ne fallait pas le cacher.

[Camilo]

Par réflexe, lorsque le garçon a tiré sur mon tee-shirt, j'ai cherché à trouver appui n'importe où, pour ne pas tomber bêtement. Les choses étant ce qu'elles sont, je me suis trouvé dans une position assez embarrassante, penché au dessus de Graham, mes deux mains plaquées sur les côtés de son visage. Je ne l'avais jamais vu d'aussi prêt que quand je le prenais dans mes bras. Oui, mais ça fait une éternité que je n'ai pas fait ça. La chaleur se répand doucement autour de mes joues, le rouge discret, mais présent. L'espièglerie du garçon faisait battre mon coeur.

Heureusement, sa question m'a détourné de cette attention. Qui je suis, par rapport au fait que je lui ai menti. Pas pour son bien, mais par peur qu'il me rejette. J'ai beau avoir un nom différent, je reste le même.

“-Je suis celui que j'ai besoin d'être pour que tu aille bien.”

Un mafieux pour ses souvenirs, un ami pour ses confidences. J'ai passé ma main dans ses cheveux, observant les traits de son visage attentivement. Ça ne me rend pas moins vrai pour autant. Il a réussi avoir ma loyauté, de ce fait je serai prêt à mourir pour lui. C'est pareil avec Maïa, et tous les gens que j'estime.

“-Et peu importe le nom, ça ne m'empêchera jamais de toujours être sincère concernant mes intentions envers toi. Ça ne m'empêchera jamais d'être Camilo, pour toi.”

[Graham]

C'était loin du résultat attendu. Si loin que Graham prit en couleur quasiment instantanément, lâchant le haut de Camilo pour plaquer ses mains sur ses joues. Il murmura un "désolé", coincé entre deux rires nerveux. La situation était comique, mais il ne l'avait pas du tout anticipé.

Pour le reste, Graham fit une pichenette sur le front de Camilo.

" - Tu es stupide, alors."

Camilo n'avait donc rien compris. Graham n'avait pas besoin d'un ange gardien, c'était bien le dernier de ses problèmes. Il observa longuement le visage de Camilo, tandis que ses rougeurs disparaîssaient de ses joues petit à petit. Il avait besoin de Camilo, parce que c'était et avait toujours été Camilo. Pas parce que Graham avait besoin d'une pièce de puzzle qui s'emboitait parfaitement avec lui.

Il entoura ses bras autour des épaules de l'homme au-dessus de lui, l'attirant contre lui dans une étreinte, doucement. Si les caresses dans les cheveux étaient agréables, les câlins l'étaient peut-être plus.

" - J'ai juste besoin de toi, comme tu es."

[Camilo]

“-...Aïe.” 

Pour la pichenette, tout comme pour ce qu'il vient de me dire. Qu'est-ce qu'il y a de si stupide à vouloir protéger les personnes qu'on aime ? C'est comme ça que je suis, il y a si peu de choses auxquelles je tiens que je mets tout ce qui est mon pouvoir pour les garder à l'abri du danger. Même si ça revient à faire preuve d'abnégation. Je l'ai fixé longtemps, en faisant la boue, jusqu'à ce qu'il se décide à me prendre contre lui. La dernière fois remontait à l'éternité, et j'ai soupiré, un soupir très leger. Je ne vais certainement pas me plaindre de l'avoir contre moi, d'ailleurs j'ai passé mes bras derrière lui, le serrant doucement contre moi.

Et si ça ne suffisait pas ? Si moi, comme je suis finissait par le remettre dans une situation similaire à la dernière fois ? Je ne veux plus jamais qu'il se retrouve dans un lit d'hôpital par ma faute. 

“-Je t'ai menti parce que j'avais peur que tu me rejette si je te disais tout de suite qui j'étais. Je déteste mentir, mais cette fois je l'ai fait parce que je ne voulais plus t'abandonner. Je suis désolé.”

Mais, voilà comment je suis. Je fais des choses idiotes pour les gens que j'aime.