Partie 14 [Graham x Camilo]

[Graham]

Ce n'était pas quelque chose qui était très conseillé pour lui, vu le poids qu'il avait sur ses côtes et qu'elles étaient encore fragilisées pour la plupart, mais tant pis. L'amour qu'il vouait pour Camilo s'était déjà prouvé être douloureux de nombreuses fois, et ça ne risquait pas d'être la dernière. Il le serra un peu plus fort, calant son visage entre sa clavicule et sa gorge, refermant ses mains sur ses vêtements.

" - Je vois bien que tu souffres beaucoup par ma faute..."

Il l'avait murmuré, à qui veut bien l'entendre. Il ne savait pas quoi faire de cette information. Graham était une personne sulfureuse, c'est facile de s'attacher à lui, mais ses nombreux défauts font facilement barrage aux autres sur le long terme. Camilo ne cessait pas de se sentir mal à cause de lui et de rester à côté, sans rien demander en échange. Il ne savait pas non plus comment arranger les choses. Repousser les autres, leur montrer les pires côtés qu'il avait à offrir, était aussi une manière d'être sûr qu'il était capable d'être aimé par les autres. Il ne voulait pas perdre Camilo pour quelque chose d'aussi futile que sa peur vis-à-vis des autres quand lui avait pratiquement tout sacrifier pour Graham.

[Camilo]

J'étais particulièrement doux, parce que j'ai peur de simplement lui casser quelque chose en plus, si je le serre trop fort. Lorsque c'était moi, dans un lit d'infirmerie improvisé, lui avait fait preuve de tout autant de douceur, et j'étais dans un état bien moins critique que le sien. De plus, ça doit être dans ma nature de traiter les gens que j'aime avec toute la douceur qu'ils méritent. Et lui, il mérite au moins ça, si ce n'est plus.

À sa confession, je me suis décalé légèrement de lui, en m'appuyant sur mes coudes. C'est la deuxième fois qu'il me dit ça aujourd'hui. Pour toute réponse, je lui ai fait une pichenette sur le front. C'est lui qui ait l'air morose d'un coup.

“-C'est toi qui est stupide, là.”

Je riais doucement, amusé de voir que lui comme moi chérissions notre relation. Je commençais à retrouver mes marques avec lui, à mon plus grand bonheur. 

“-Si je souffre à ce point, imagine à quel point je te chéris.”

Le fait que je souffre est un fait. Mais pour autant de souffrance, il y a au moins autant d'amour qui est en jeu. 

“-Je vais bien, ne t'inquiète pas.”

[Graham]

C'était de nouveau assez impressionnant de le voir au-dessus de lui. Dans une étreinte, ça allait. Mais ce genre de proximité, Graham ne connaissait pas du tout. Il observait Camilo comme on observerait quelque chose de précieux, un joyau sans pareil. Il profitait de ce rapprochement pour retenir les traits de son visage, la couleur de ses joues et de ses yeux, ses cheveux.

Instant de court duré quand Camilo lui rendit sa pichenette. Graham se mit à grimacer, sans comprendre.

L'explication est venue d'elle-même, en même temps que son soupir. Graham n'était pas sûr que l'amour soit supposé faire aussi mal, à moins que l'on se trompe sur sa nature.

" - J'aurai voulu qu'on se connaisse ailleurs. Rien de tout ça ne serait arriver."

[Camilo]

Je suis venu poser mon front contre le sien, en fermant doucement les yeux. Ici, en cet instant précis, je me sens incroyablement léger. J'ai la chance de profiter un peu de Graham, et ça me suffit à repousser toute la fatigue que je peux ressentir. D'un autre côté, je devais probablement être en train de me surestimer, à repousser les limites de mon corps comme si elles n'existaient pas. Mais pour l'instant, je vais bien. 

“-Ailleurs, on ne se serait peut-être jamais connu.” 

C'est ça, la différence. Dans un autre monde je vais mieux, je m'en sors bien. Encore dans un autre monde, peut-être que je suis bien pire que ça. Mais une possibilité de monde différent, ça laisse souvent porte ouverte à un monde pire. Dans ce monde là, je connais Graham, et je suis ravi de le connaître. Alors je ne veux pas penser à ce “j'aurais aimé”... Les choses sont-elles qu'elles sont, et on fait bien de les accepter. Parce qu'aussi merdique cette situation puisse être, il y a toujours une façon de la rendre pire.

“-Est-ce je peux te raconter, comment tu m'as sauvé ?”

[Graham]

Plus il s'approchait de son visage, plus Graham s'enfonçait contre le matelas en rougissant, les yeux qui se fermaient petit à petit. Le contact était d'abord surprenant, puis agréable. Il ne se rappelait pas d'une telle action auparavant. C'était étrange de redécouvrir les choses. Est-ce qu'il se rappelait de toutes ses passions, de tout ce qu'il aimait, ou non ?

Il rouvrit un oeil, curieux. Il l'avait déjà sauvé ? Il semblerait. Graham essayait de puiser dans sa mémoire. On lui avait déjà dit quelque chose comme ça. C'était vraiment vrai, alors ?

" - Dis moi."

Graham avait envie de savoir ce qu'il avait fait, à quoi il ressemblait, avant. D'où il venait, en fait. C'était important. Il pouvait sentir la respiration de Camilo sur son visage, et c'était quelque chose de rassurant. Habituellement, il ne se serait pas senti aussi à l'aise avec quelqu'un d'aussi grand sur lui. C'était comme s'il se retrouvait aculé, sans aucun moyen de s'échapper. Avec Camilo, c'était différent. Quand il y pensait, ça le terrifiait que les choses semblent aussi faciles et simples avec lui.

[Camilo]

Je faisais attention à ne pas envahir un peu trop l'espace personnel de Graham, je ne ferais jamais rien qui le blessera intentionnellement. Le rapprochement physique ne le rebute pas, ce qui me tire un sourire discret. S'il me demande de m'éloigner, je le ferais. Le fait étant que j'en ai aucune envie. De toute façon je ne compte pas faire plus que ça, il n'aura jamais rien à craindre de moi.

Mon sourire s'est doucement défait. 

“-On m'a tiré dessus, à la Nurserie. Je suis tombé, et j'ai failli me noyer dans la mer.” 

Ce n'était pas de bons souvenirs. La sensation de l'eau qui remplit mes poumons, le fait de vouloir remonter la surface quand les bas-fonds nous entraîne, se sentir partir pour de bon. Tout était aussi clair que de l'eau de roche dans mon esprit, comme si j'étais toujours bloqué dans l'eau.

“-Tu es la dernière personne à laquelle j'ai pensé, avant de perdre le fil.”

Ensuite... Je me suis doucement mordu la lèvre. Ensuite...

“-Je ne me rappelle plus vraiment de ce qu'il s'est passé, ensuite mais...Dans les rares moments consciencieux qui me prenait, je t'ai vu avec Maïa. Vous essayiez de retirer la balle que je m'étais prise. L'inquiétude se lisait sur ton visage.”

[Graham]

" - Tu n'es pas obligé d'en parler si ça te fait du mal."

Plus il parlait, plus son sourire disparaissait. Graham avait commencé à l'observer dès le début de son histoire, intéressé. Il ne savait pas si c'était une bonne, ou une mauvaise chose. L'histoire n'était pas très belle à entendre, non plus. Pourquoi est-ce qu'on avait cherché à le nuire ? Enfin, il n'y avait pas plus bête comme question. Camilo travaillait dans la mafia, bien sûr qu'il n'allait pas se faire des amis. Mais de là à risquer sa vie.

" - Je n'ai pas envie que tu te refasses tirer dessus..."

Graham ne savait pas trop où se plaçait son utilité dans tout ça, vis-à-vis de lui. Il était quasiment sûr de n'avoir aucune compétence médicale, autre que la chimie pas très légale. Maïa, il ne se rappelait pas d'elle non plus. Mais elle pouvait être aussi douce qu'elle pouvait se montrer électrique.

(Coucou, ça va ?)

[Camilo]

Ce n'est pas que je n'ai pas envie d'en parler. C'est juste une étrange sensation que d'avoir l'impression que ce moment ne m'a jamais quitté. Je suis toujours en vie, ce qui jusqu'à preuve du contraire est une bonne chose, mais lorsque je divague, j'ai l'impression d'être de nouveau là-bas, à me noyer mille lieues sous la mer.

“-Quand j'ai repris conscience, tu m'as passer un savon sévère. Je crois que je ne t'ai jamais vu autant en colère qu'à ce moment-là.” 

Je parlais de ce moment comme d'une chose précieuse, que je ne devais absolument pas oublier. Ça l'était, les moments qui ont suivis ont une si grande importance dans mon cœur qu'ils y sont gravés. Les souvenirs sont tout aussi clairs que ceux de la noyade, à contrario ils emprunts de douceur.

“-Puis, tu t'es effondré en larmes quand je t'ai pris dans mes bras. Tu m'as dit que tu ne voulais pas me perdre.” 

C'est à ce moment précis que j'ai compris, l'importance que j'avais à ses yeux. Moi qui pensait l'avoir comprise avant, j'avais faux sur toute la ligne. Je comptais pour Graham. 

(Hey ! Bien et toi ?)

[Graham]

En l'écoutant, Graham baissait les yeux petit à petit. Il ne savait pas quoi faire d'une telle information. Camilo comptait à ses yeux, actuellement, oui. Autant qu'avant ? Peut-être pas, sa confiance et son affection sont difficiles à posséder. Tout semble si futile et rapide avec lui. Graham appliqua ses mains sur les joues de Camilo, doucement. C'était si doux. Il pouvait observer les petits rougeurs ponctuer son visage au fur et à mesure.

" - C'est tout ce dont je suis sûr, même sans avoir toute ma tête."

Il ne se rappelait pas du tout de tout ce qu'il lui avait raconté. Il ne savait pas du temps que ça avait pris, de comment on l'avait sorti de la mer, Maïa, rien. Aucun détail ne lui semblait familier. Malgré tout, la perte de Camilo était quelque chose qu'il n'était pas sûr d'arriver à supporter. Même s'il pouvait se montrer très dur envers lui, être en colère, ou parfaitement égoïste, il ne pouvait pas se résoudre à le repousser. Il n'était même pas sûr d'y arriver s'il le lui demandait. Pourquoi ne pas le garder pour lui ?

(Ça va ! T'as cours aujourd'hui ?)

[Camilo]

La pression de ses mains sur mes joues me fit fermer les yeux, pour pouvoir ressentir encore plus les frottements contre ma peau. C'est si agréable, que ça et la fatigue accumulée de cette semaine me donnent envie de m'endormir. Aussi, sa chaleur s'ajoutait aux rougeurs qui parsemaient mes joues de part et d'autre, un confort que je ne voulais pas quitter. Tout était si calme, le temps s'est figé. Je n'ai pas envie qu'il reprenne son cours, je n'ai pas envie de partir. 

Au fur et à mesure que le moment passe, j'ai perdu mon sourire. Sans raison particulière, si ce n'est que ce que faisait Graham me détendait beaucoup.  Il a beau ne pas être tout à fait le même que celui que j'ai connu, le fait de savoir que je ne suis pas le seul brouillé dans ces choses que j'ignore me fais me sentir moins vulnérable. Je ne suis pas le seul à vouloir rester avec lui, et aussi longtemps qu'il voudra de moi, je veux rester avec lui. Même après.