Partie 16 [Emilio x Graham]

[Graham]

La violence n'était pas une solution à laquelle Graham voulait se résoudre. S'il ne savait pas se battre, c'était parce qu'il y avait toujours d'autres manières de régler les problèmes. Seulement voilà, à l'instant présent il mourrait d'envie de lui faire du mal. Graham ne pouvait pas se montrer violent, les hommes à l'entrée se chargeraient de lui aussitôt. Tout se jouait à la parole.

" - J'ai failli y passer par l'un de tes hommes, qui se retourne contre toi. Le deuxième est à moi, et il ne veut plus être ici. Je dois sacrément les chambouler, ou alors leur allégeance n'est pas aussi forte que tu l'espérais."

Quelque part, Graham avait envie de secouer ce gosse. D'un autre côté, mieux valait ne pas rester là après ça. Graham tourna les talons, faisant face à celui qui gardait la porte, espérant qu'il comprenne et s'écarte pour le laisser passer. Si Graham devait se mettre à courir dans toute la ville, soit. Il fallait trouver Camilo d'une manière ou d'une autre.

[Emilio]

Oui, d'ailleurs Frank mourra pour avoir osé me trahir sans penser aux conséquences, mais il m'aurait rendu un si grand service en faisant correctement ce qu'il avait entamé. En plus de ravoir Camilo sous mon aile, je n'aurais pas eu à avoir cette conversation. Vous savez, les mots, les mots ça n'a jamais été ma tasse de thé. J'étais un homme d'action, et quand on me connait suffisamment, on sait que je suis capable de mettre à terre quelqu'un de plus robuste que moi. Alors Graham, ahaha. Je pourrais en faire qu'une bouchée si jamais il me cherchait vraiment. 

Je souriais de plus belle, avant de laisser échapper un rire même devant la fougue de l'homme en face de moi. Trois ans en arrière, j'aurais été capable de le faire tuer pour avoir insinué cela. Je fais des progrès, on dirait. Quittant définitivement mon bureau, je commençais à marcher vers lui.

“-Je dois admettre que peu importe comment tu as fait, quelque chose a changé chez lui ces derniers mois.” 

Et puis là, et puis là, le même homme contre qui je livre une bataille sanguinaire dans les rues m'a ramené Camilo. Douce ironie en y repensant, ordonner son meurtre m'avait détruit.

“-Et puis il y a eu cette histoire avec toi, et cette Nurserie. Et j'ai revu le Camilo que j'ai toujours connu. Est-ce que tu sais le nombre de choses que Camilo a fait pour moi quand il ne te connaissait pas ?”

J'étais son mangeur de péché, celui qui ne le jugera jamais, et qui aimait même ses démons plus que lui ne le pourra jamais. Le seul qui voyait sa partie sombre et qui l'embrassait pleinement. Je jetais un coup d'oeil au garçon. Il était dans la gueule du loup, et il n'en tient qu'à moi de le libérer ou non.

“-Alors imagine Graham, imagine tout ce que je pourrais lui faire faire en sachant que toi, tu es ici.”

Je n'ai pas besoin de sa loyauté, ni même de son allégeance que je ne retrouvrais jamais. J'avais juste besoin de connaître ses craintes et ses points faibles. Et Camilo était terrorisé à l'idée de perdre Graham.

[Graham]

Les pas qui se rapprochaient de lui ne pouvaient rien annoncer de bon. Les paroles du jeune homme étaient toutes aussi glaçantes. Dans le fond, ce n'était pas la première fois que Graham frôlait la mort, à présent. Il espérait que cette fois serait sans douleur. Pour être parfaitement honnête, le fait d'être sur le fil du rasoir avait quelque chose de rassurant. Qu'arrive-t-il quand tout est fini, et qu'il n'y a plus rien à pleurer ?

Graham lui refaisait face, les mains liées dans le dos, sans l'air aussi innocent sur le visage qui appuyait généralement ce genre de position. Il se balançait de la pointe de ses pieds à ses talons, en observant le plus jeune s'approcher de lui.

" - Vu ce qu'il fait pour moi alors que je suis vivant, je n'aimerai pas voir ce qu'il fera en apprenant que je suis mort."

Visiblement, ça l'ennuyait que Graham parle ainsi de Camilo, alors, et il se satisfaisait de le piquer sur ce sujet.

" - Mais fais donc, il viendra peut-être."

[Emilio]

 Je restais face à lui, presque, à quelques centimètres de son visage à peine, en détaillant tout son corps sans aucune gêne. Ce cuisinier de mes deux ne sait pas garder sa langue dans sa poche. 

“-Comme cette fois à la Nurserie ? Oh, pardon, tu ne te rappelles pas.” 

Oui, je détestais que quelqu'un d'autre puisse posséder mes hommes. Je détestais que Camilo soit prêt à détruire tout ce qu'on a construit ensemble pour lui. Je détestais ne plus avoir son attention aussi, et l'envie me prenait si fort de me débarrasser de celui qui était derrière tout ça, surtout en étant aussi proche de moi. Mais d'un autre côté, ce serait ridicule de le tuer maintenant, avec Camilo dans les parages. La vengeance est un plat qui se mange froid, je ne peux pas me permettre de le laisser m'atteindre. Enfin, trop tard pour ça.

“-Tu veux voir Camilo ?” 

D'un rapide mouvement de tête, je pointais Rudy au gardes-du corps à l'entrée de la porte. 

“-Emmène-le à Rio.”

[Graham]

Pour toute réponse, Graham haussait les épaules en se mordillant la lèvre avec cette espièglerie cynique. Qu'avait-il à perdre ? Rien. Graham était en paix avec le fait de ne plus rien ressentir une fois mort. Tout ce qui pourrait bien se passer après était hors de son contrôle, ce n'était pas ce qu'il craignait le plus.

Le garçon titillait sa curiosité avec sa question. C'était tout ce qu'il voulait, à un détail près...

" - Ca m'a pas l'air d'être Camilo, ça."

Graham ne bougeait pas, en observant le garde derrière lui. Il était décidé à ne pas bouger, mais n'utiliserait pas la violence. En bref, c'était à eux de tout faire, puisque Graham était bien décidé à leur mettre des bâtons dans les roues tant qu'il n'aura pas ce qu'il veut.

[Emilio] 

Normal, ce n'est pas Camilo. Mon homme s'était tout de suite mis au travail, saisissant violemment celui qui était déterminé à ne pas bouger par le bras. Il le bousculait lorsqu'il semblait montrer une certaine résistance, et vint le moment où il avait enfin quitté mon bureau. Je restais sur place, en me mordant la lèvre de rage. J'étais à ça de lui mettre une balle entre les deux yeux, mais je ne pouvais pas reprocher à Frank de s'en être pris à un civil et me débarrasser du civil plus tard. Heureusement qu'il était sorti de mon bureau, parce que l'idée était trop tentante à ce moment là. Il veut voir Camilo ? Très bien, mais Camilo ne sera pas content de le savoir entre mes mains.

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[Emilio] 

J'ai gardé le garçon dans un coin au chaud, avec un de mes hommes, prêt à le tuer si jamais j'en donne l'ordre. Eh bien, encore une fois, tout dépendra de Camilo. La nuit commençait à tomber dehors, et toujours pas de nouvelles de l'homme. Je sentais mon ventre se tordre sous le poids des possibilités à cette arrivée tardive. Peut-être qu'il n'a pas survécu à cette journée, c'est possible. L'attente était en train de me tuer, jusqu'à ce qu'on toque à la porte.

“-Entrez.”

Quelques instants plus tard, Camilo entrait, tout beau tout propre, si on veut. J'adorais le fait que même en ayant du sang sur les mains, il arrivait toujours ici propre comme un sous. Je le regardais, soulagé. Il est là.

[Graham]

Rien ne servait de crier, personne n'allait venir le chercher. Si Camilo était là, il serait venu aussitôt qu'il l'aurait entendu, du moins c'est comme ça qu'il voyait les choses. Ce n'est pas pour autant qu'il ne montrait pas son désaccord avec le fait de le traiter de manière aussi cruelle. Ca se jouait entre ce type et lui, le garde n'avait rien à voir. Il supposait que c'était toujours plus facile de jouer les gros bras quand on le pouvait.

[Emilio]

Il avait l'air dépité, le pauvre garçon, et je ne vais pas arranger sa journée en plus de ça. 

“-Comment ça s'est passé ?”

Camilo est droit, stoïque comme un bâton, à fixer dans le vide. Ça arrivait de plus en plus souvent, il devait revoir les fantômes devant ses yeux. Il a dû se battre aujourd'hui, même avait-il tué. Je n'ai pas besoin d'un homme avec des regrets. 

“-Camilo.” 

À la mention de son nom il réagit enfin, levant les yeux vers moi. Il semblait quelque peu décontenancé, et cherchait ses mots avec attention.

“-On n'a pas trouvé Frank, mais on a perdu beaucoup d'hommes.” 

C'est de ça qu'il s'agissait donc. À mon tour, j'ai levé les yeux au ciel, pensif. Ils ne perdent rien pour attendre.

“-Vous avez récupéré les corps ?

-...Pas tous.” 

Je vois. Ceux qu'on a auront au moins un enterrement décent. Les autres seront vengés, j'espère. 

“-J'ai besoin que tu me trouves Frank. Et tout ceux qui sont de mèches avec lui. Il n'a pas pu se dégoter les armes sans que les Dwight ne s'en rendent pas compte, non plus. Il faut que je sache exactement ce qui nous attend pour minimiser les pertes.”

(OH NON LE RENVOIE PAS AVEC FRANK)

(OH SI, j'ai envie de faire du angst bien sale là)

[Camilo]

La ville est à feu et à sang -d'un point de vue purement organisation criminelle, mais c'était toujours un risque pour les civils aussi que des grandes entités comme celle-ci se mettent à régler leur compte dans les lieux publics. Mes oreilles sifflent encore de la pluie de balle sous laquelle je me suis retrouvé quelques heures auparavant. C'était un miracle que je sois toujours debout, en vie sur surtout. C'est un miracle que je sois en vie. Frank fait profil bas désormais, il est introuvable, et le fait que les hostilités commencent pile maintenant ne sont certainement pas le fruit du hasard.

“-Tu feras ça demain, tu as assez travaillé pour aujourd'hui.”

Il fallait que je laisse ça de côté, c'est à peine si j'arrivais encore à tenir entre mes jambes. Ce n'est pas une faiblesse que je pouvais montrer à Emilio car j'avais pris cette décision tout seul. Je n'ai pas le droit de me plaindre. Poliment je m'inclinais une dernière fois, par respect, pour ensuite  tourner les talons et saisir la poignée de porte entre ma paume.

La voix d'Emilio a surgi de derrière mon dos, comme cette étrange instance qu'il représentait en dépit de son jeune âge.

“-Au fait. Graham est ici.”