Chez Camilo

[Graham]

C'était son petit bonheur sur terre, Camilo. Il ne se comportait pas de la même manière avec Ledger qu'il le faisait avec Camilo, et justement. Il pouvait respirer librement, ici. Au fur et à mesure, il lançait des coups d'oeil à Camilo de temps au temps, pour s'assurer que tout allait bien. L'homme n'avait pas besoin de son aide de toute manière, il se débrouillait très bien. Graham aimait bien superviser, sans pour autant devoir contrôler les moindres faits et gestes de Camilo.

Le bruit du verre qui se brise le fit pratiquement sursauté. Il reposa le bol qu'il tenait, s'assurant qu'il ne l'avait pas brisé, mais non. Celui de Camilo non plus. Il jeta un coup d'oeil curieux, un peu inquiet, vers les fenêtres autour d'eux. Il y avait des morceaux de verre éparpillé en-dessous de l'une des fenêtres, sous laquelle reposait un objet qui lui glaça le sang instantanément. Graham n'avait pas eu le temps de répondre, ou de réagir, qu'elle lui avait déjà explosée au visage.

[Camilo] 

En laissant mon instinct aux commandes, j'avais poussé Graham le plus hors de portée de ce qui quelques secondes plus tard, explosa. 

L'explosion s'était propagé dans toute la salle, libérant un son suraigu par la même occasion. Une grenade assourdissante. J'ai été violemment projeté contre un de mes meubles avoisinant, mes oreilles sifflaient à des fréquences qui donneraient le tournis à n'importe qui. L'impact m'a sonné suffisamment pour me mettre de longue minutes à terre, incapable de faire le moindre mouvement. Le strict minimum de ce que je peux faire visait à essayer de tâter le sol pour retrouver où mon arme s'est glissé, vainement.

“-Graham...” marmonnais-je doucement, la douleur me lançant 

J'entends plusieurs personnes entrer à l'intérieur, sans pouvoir suivre correctement le mouvement. Qu'est-ce qu'il se passe ?

[Graham]

Tout faisait horriblement mal. Il lui avait fallu plusieurs minutes d'absence pour revenir à lui, gémissant en boule sur le sol. Il n'avait pas l'impression d'avoir perdu un membre, ou d'être gravement blessé. Ses oreilles bourdonnaient affreusement, et il n'entendait plus rien autour de lui. Il se prenait la tête, essayant d'étouffer les acouphènes qui le malmenaient.

Au bout d'un moment, il se résolut à ouvrir les yeux, essayant de trouver Camilo. C'était pratiquement tout aussi blanc et flou que s'il avait gardé ses yeux fermés. Petit à petit, les formes devenaient visibles, mais flou, comme si tout était noyé. S'il ne pouvait pratiquement rien entendre pour l'instant, il pouvait observer du mouvement apparaître devant lui. Désespérément, Graham essayait de se coller le plus possible contre le mur, comme s'il pouvait échapper à quiconque venait d'entrer.

[Camilo] 

Quelque part, je ne laissais même pas le choix à mon corps. Je ne peux pas permettre aux répercussions de ce qu'il vient d'arriver de m'enlever Graham. À force de tâter le sol désespérément, je finissais par atteindre ce que je recherchais. Il fallait que je me lève, je n'ai pas le choix, n'en dépende le reste de mon corps. Gémissant faiblement de douleur, je pouvais sentir la texture gluante du sang descendre le long de mon visage, se poser même à la commissure de mes lèvres. Ça non plus, ce n'était pas bien grave. Tout pouvait attendre, à l'exception du garçon qui me souriait si chaleureusement quelques secondes en arrière.

Non sans quelques gémissements de douleurs, je suis parvenu à me redresser légèrement, en m'accrochant au meuble collé contre mon dos. Mes oreilles sifflent si fort que je ne peux que me baser sur mes yeux pour déterminer correctement ce qu'il arrive.  Et encore, c'est vite dit. Je voyais flou, bientôt, plusieurs hommes pénètrent dans ce qu'il peut bien rester de mon salon, enjambant les meubles qui sont tombés à la dérive. Tous armés. Ugh, je ne fais pas le poids, ils sont supérieurs en nombre. Pourtant, aucun ne tirent. 

Ils cherchent.

[Graham]

Graham était terrifié par ce qu'il se produisait. Faire face au danger, quand il était parfaitement conscient de ce qui se passait, n'était pas un problème. C'était un choix qu'il avait fait dans son âme et conscience. Mais dès lors qu'il ne contrôlait plus rien, comme à l'instant, Graham était terrifié. La situation lui avait échappé en quelques instants à peine. Sa tête le lançait douloureusement. Il refusait de tendre le bras, ou de se mettre debout, de peur qu'on le remarque dans tout le chaos environnant. Il n'était pas même sûr de capable de discerner Camilo. Petit à petit, si son audition ne revenait que très difficilement, ses larmes et les nombreuses fois où il se frottaient les yeux désespérément lui ramenait un semblant de vision.

Dans la panique, mené par l'adrénaline, Graham s'aidait du mur pour se relever. Ses jambes tremblaient comme celle d'un faon. Il était confus, ne savait ni reconnaître le blanc du noir, le bien du mal. Il y avait d'autres personnes avec eux, dans la pièce, et il était si difficile de les discerner ou de réfléchir.

[Camilo]

Je distinguais à peine ce qu'il se passait. Plusieurs ombres qui se déplacent, le bruit des pas sur le sol. Où est Graham ? En récupérant un semblant de ma vue, je voyais deux hommes, me saisissant violemment par les bras. Dans le movement, mon arme avait rejoint de nouveau le sol. J'étais si sonné par tout ce qu'il se passait, je comprenais à peine par quel miracle je tenais par mes jambes. Tout était du bruit mélangé, je percevais quelques voix qui disaient avoir attrapé le deuxième. Et mon temps de réaction est peut-être bien plus long que d'habitude, mais il me suffisait de penser le nom de Graham pour retrouver un peu de combativité en moi. J'ai donné un coup de coude bien placé dans un des hommes qui m'a saisi, voulant attaquer le second. L'un a voulu rétorquer en tirant, sauf qu'une troisième voix s'est élevé en criant :

“-Non, il nous les faut en vie.”

Malheureusement, en voulant comprendre le pourquoi du comment, je n'ai rien pu faire contre le coup que j'ai reçu à l'arrière du crâne. Le second avait frappé avec le bas de son arme, m'assomant définitivement.

[Graham]

Au bout d'un moment, c'était comme si tout devenait lourd et léger en même temps. On attrapait son bras, on serrait fort histoire qu'il ne puisse pas s'enfuir. C'était douloureux. Graham essayait de se retenir à eux, pour les faire lâcher, et rester maintenu debout. On le malmenait comme une poupée sans vie, ça ne pouvait pas être Camilo. Plus des mains s'appuyaient sur la peau et la serrait, plus il montait en pression.

" - Camilo !"

Graham s'époumonait désespérément, en essayant d'attirer l'attention de son ami pour qu'il puisse l'aider. N'importe qui, n'importe comment, tant qu'on pouvait le laisser tranquille et qu'il puisse retrouver ses esprits.