Partie 16 [Emilio x Graham]

[Graham]

Petit à petit, les choses étaient rentrées dans l'ordre. Graham avait récupéré sa souplesse et sa motricité, même si certains de ses mouvements tremblaient, surtout lorsque la fatigue pointait son nez. Rien qui l'empêchait de vivre sa vie, ce qui relevait presque d'un miracle.

Le début de soirée se faisait sentir, lorsque la mer remontait et que l'air se rafraichissait, que le vent se levait et faisait glisser les vagues chaque fois un peu plus loin sur le rivage. Il était généralement tant de rentrer.

Graham se releva du sable, balayant les petits grains encore présents dans ses cheveux. Personne n'était venu, et ce n'était pas une mauvaise chose. Il chérissait ses moments de solitude, qu'il avait de moins en moins maintenant que Camilo voulait se montrer autant présent dans sa vie. La seule chose qui pouvait mettre de la distance entre eux était la pègre. Et quand on parle du loup...

Au loin, il pouvait voir la nurserie s'agiter. Tout d'abord, des coups de feu, et le chaos des cris et des rires malsains. C'était encore un signe qu'il valait mieux s'enfuir tant qu'il était encore temps. Sauf que Graham était curieux, et ce qui concernait la Nurserie le concernait, et concernait Camilo maintenant.

En se rapprochant, tout ce que Graham pouvait comprendre étaient de faibles morceaux de phrases. Il avait du mal à comprendre ce que tout ce boucan signifiait. C'était des hommes dangereux, mais fiers. On aurait dit des guerriers. Ce n'était pas bon. C'est face à cette image, de tous les voir entasser des armes dans des camionnettes, et d'organiser et de discuter entre eux, que Graham replaçait les faibles morceaux de souvenir qui lui restait et les superposait aux conversations qu'il entendait.

On allait faire tomber les mafias maîtresses.

Graham se disait que ce n'était pas une si mauvaise chose, une ville qui n'est plus régit par le mal ne peut que devenir meilleure. Sauf que Camilo faisait partie de l'une de ces familles, et il allait être le cerf en ligne de mire.

Il maudissait le sable de rendre sa course aussi lente, alors que Graham essayait de se démener pour sortir de la berge et rejoindre la terre ferme, d'où il essayait d'appeler Camilo. Pas de réponse. Les messages que Graham laissaient étaient désespérés et haletant. Moins Camilo répondait, plus Graham sentait son coeur se serrer. Il aurait pu se briser sous autant de pression.

Instinctivement, ses jambes l'avaient porté jusque devant le manoir, dont la simple vu le tétanisait sur place. C'était à l'intérieur que devait être Camilo, où alors il n'avait aucune idée de l'endroit où il pourrait le trouver. Déjà, il fallait reprendre son souffle. Graham voyait blanc à cause du stress et du soudain effort physique colossal que sa course lui avait demandé. Etait-ce seulement une bonne idée de rentrer à l'intérieur ? Il se ferait fusiller sur place à la seconde où il essayerait de rentrer à l'intérieur. La pègre n'en a que faire des gens trop curieux. Sauf que plus loin dans la ville, il pouvait entendre les mêmes camions qu'il avait essayé de laisser loin derrière lui. Ils allaient mettre la ville à feu et à sang, et Frank en était la cause. Et Frank était avec Camilo.

Il n'hésita pas plus longtemps avant de se diriger vers le manoir en courant, une main vers l'avant pour essayer de pousser les portes. Elles ne s'ouvraient pas. Il n'avait pas eu le temps de les toucher que des bras s'étaient enroulés autour de ses hanches et l'avaient repoussé au loin, avec un gémissement douloureux. A terre, Graham lançait un regard noir à ce qui semblait être un garde de service, avant de remplir ses poumons et d'hurler le nom de Camilo de toute ses forces pour essayer de le faire sortir de là. Lui, ou tout autre personne qui voulait bien le guider.

[Emilio] 

Les choses étaient tellement paisible au manoir. On était loin de tout, les dégâts que je pouvais causer sur la ville m'atteignent à peine, parce que je ne les vois même pas. Même en les voyant, la seule chose qui compte, c'est que les affaires sont les affaires, et que rien ne fonctionne si on ne sacrifie pas la chose équivalente pour que cela fonctionne. C'est aussi simple que ça. 

Assis sur la chaise qui prône sur toute la salle, je lisais attentivement certains documents, des accords de protections passés avec certains marchands en échange d'une certaine somme. Des affaires qui se trament avec les mafias concurrente aussi. Je ressemblais à n'importe quel homme d'affaire honnête, nous avions plus au moins la même approche. On investit sur l'avenir, à notre façon on renfloue l'argent dans les caisses, et peu importe qu'ils soient vert ou teintés de sang. L'argent, sale ou non a la même valeur. 

Seulement, voyez-vous, quand un petit cygne se met à crier dehors, il devient vite difficile de se concentrer sur la moindre tâche. Je fredonnais longuement, relevant les yeux vers un des gardes-du corps avec moi.

“-Qu'est-ce qu'il se passe, dehors ?

-Un perturbateur, Monsieur.”

Hm, j'ai cru comprendre. Le perturbateur ferait mieux de se taire rapidement. Son chant, aussi doux et amusant puisse-t-il sonner ne tarderait pas à se transformer en soupir définitif. Je n'ai aucun scrupule pour ceux qui me dérange. 

Plusieurs minutes encore, je n'y fis pas attention. Sauf qu'à un moment, je finissais au moins par assimiler des syllabes qui ensemble forment un nom que je connais trop bien. 

Cami. Milo. Camilo. Pour la deuxième fois ce jour-là, j'ai relevé les yeux vers mon garde du corps. Je me positionne confortablement dans mon siège, pensif.

“-Va me chercher le petit oiseau en bas.

-À vos ordres.”

Men in black dégainait de sa poche intérieur un talkie walkie, par lequel il communiqua à ses collègues plus bas les ordres que je venais de donne. D'une façon moins poétique, certes.

[Graham]

Ce qui était le plus amusant, au bout d'un moment, c'est que l'on ne faisait plus attention à lui. L'homme barrait la porte, mais ne posait pas les mains sur Graham pour autant. Il ne représentait aucune menace. Que ce soit à l'intérieur du manoir ou dehors, il ne voulait qu'une personne. Ce n'était pas si compliqué que ça à comprendre, vu le seul nom qu'il prononçait.

Sauf qu'au bout d'un moment, la grand perche s'est mise à bouger, à parler au talkie-walkie qui l'accompagnait. Perturbé par un soudain mouvement de l'inconnu, Graham cessa tout son. Est-ce qu'on allait l'abattre, pour le faire taire ? Sa gorge se serra un premier temps, alors qu'il essayait de rester droit, alors que tout ce qu'il voulait était de quitter cet endroit ou de se faire le plus petit possible.

Sauf que la porte s'ouvrit. Le garde l'avait ouverte et, en agrippant le poignet de Graham, l'avait poussé à l'intérieur. Ils n'avaient pas besoin de se parler pour se comprendre: tout ce que Graham avait à faire était de le suivre. Alors c'est ce qu'il faisait, sans se poser de question. Il n'allait pas lui répondre, de toute manière. En même temps, Graham profitait de ce temps de répit pour observer les alentours. Il n'avait jamais vu autant de richesses de ses propres yeux, que ça en devenait grotesque. Des gens mourraient dehors, et les murs ici sont pratiquement repeint en or.

Rapidement, on le poussa à l'intérieur d'une pièce, dont la porte était gardée encore une fois par un autre homme tout autant impénétrable. Un autre était assis sur une chaise, à un bureau magnifique en face de lui. Ce n'était pas Camilo, ce qui lui valu de dévisager l'inconnu. Mieux valait ne rien dire pour l'instant, histoire de pouvoir rester en vie quelques minutes de plus.

[Emilio]

La paperasse, les traités de paix et d'accords mutuel peuvent bien attendre. Il se passe quelque chose d'intéressant ici. Camilo a surement son lot de petites groupies, n'est-il un véritable petit plaisir pour les yeux, hm ? Pour n'importe qui, j'aurais simplement fait abattre le perturbateur, et sa carcasse aurait servi d'engrais pour les tulipes du jardin. Mais Camilo était ce qui se rapprochait le plus de l'image que j'avais d'un grand frère, même si ces derniers temps je ne le reconnais plus vraiment. Il a perdu l'étincelle qui dansait dans ses yeux. Et comme j'affectionais Camilo, cela va sans dire que lorsque quelqu'un l'appelle je me sens concerné. Ne suis-je pas son supérieur direct après tout ?

Bientôt, le fauteur de trouble débarqua, balancé à la va-vite comme un vulgaire déchet dans la fosse aux lions. Ma fausse aux lions, à priori. L'homme qui me fit face se superpose directement avec une tête que j'avais déjà vu. Je souriais davantage. Et bien ? Je serais coupable d'être allé fouillé dans les centres d'intérêt de Camilo, mais son ami est vraiment suicidaire ma parole.

“-C'est que tu en fais, du bruit.”

[Graham]

Graham avait été de suffisamment de situations stressantes et dangereuses pour savoir que celle-ci ne faisait pas exception. Le pauvre garçon essayait d'analyser tout ce qu'il pouvait, les gardes, les murs, le garçon en face de lui. Il lui semblait bien plus jeune, et en même temps, tellement plus sûr de lui. Il était difficile de poser un titre sur ce garçon.

Graham pris une longue respiration. C'était un peu moins menaçant de se retrouver en face d'un adolescent que d'un adulte de la carrure de Frank ou Camilo. Il ne fallait pas non plus croire qu'il se trouvait hors de danger.

" - Je cherche Camilo."

[Emilio] 

Eh bah, c'est ce qu'on appelle aller droit au but. C'est qu'il n'a que ce nom à la bouche, Camilo. Je n'ai pas pu contrôler mon rire. J'avoue que sa désinvolture a un peu de charme.

“-J'ai cru comprendre.”

 Sinon, je dirais que tout dans le fait de sa présence est assez incroyable. Qui penserait à sortir dehors dans un contexte de pré-guerre ? Allez savoir, l'info était encore récente.

 Graham Howell, devant mes yeux. J'avais lu et relu son dossier par centaine pour comprendre qu'est-ce qui chez lui avait suffi à ce que Camilo se retourne contre moi. Avoir le monopole des souvenirs, c'était comme avoir des yeux et des oreilles partout. Mieux encore, c'est directement aller à la source. Ironiquement, je connaissais peut-être plus la vie du pauvre garçon que lui-même. Et elle n'avait rien extraordinaire. 

“-Vois-tu, Camilo risque d'être pas mal occupé à partir de maintenant.”

Don, fais ce que tu sais faire le mieux et oublie-le. Encore.

[Graham]

Graham était patient, mais sa patience avait des limites. L'adolescent était dans une position de pouvoir et utilisait cette influence pour dominer Graham dans la conversation. S'il voulait lui répondre, il l'aurait déjà fait. Mais ce serait suicidaire de l'insulter maintenant.

" - Peu importe."

Graham savait très bien que Camilo était occupé, ou il lui aurait répondu. Il fallait trouver un moyen de le rejoindre, aussi rapidement que possible. S'il était avec Frank, il allait avoir des problèmes.

" - Je veux juste savoir où il est. Je peux me débrouiller seul à partir de là."

Graham n'avait pas besoin d'être babysitter, ou d'être guidé un peu partout comme un enfant perdu. Il était venu seul, jusque là, il pouvait très bien continuer seul et assumer les conséquences. Pour contenir ses émotions, Graham resserrait ses mains en réfléchissant.

[Emilio]

Je connais Camilo au moins aussi bien que lui, si ce n'est plus. Je sais qu'apprendre que le garçon ait fait quelque d'aussi inconscient que ça le mettrait en colère. Oui, parce qu'il n'y a pas d'autres mots pour décrire une action comme celle-ci. Du désespoir peut-être ? Allez savoir, les deux sont souvent de mèche ensemble. 

“-Il est dans une de nos planques. Ou sur les docks. Dans les bas-quartiers peut-être ? Va savoir.”

Je laissais de côté les documents sur mon bureau, me redressant de ma chaise. Je commençais à m'engourdir à rester inactif, sans oublier que le fameux Graham était là, en face de moi. À ma merci. 

“-Il va là où je lui dis d'aller, et fais ce que je lui dis de faire. Alors tu sais à l'heure actuelle il peut-être n'importe où. Les choses se corsent par ici.”

[Graham]

Graham avait failli prendre sa première réponse comme une réponse véritable et innocente. Il comprit rapidement que le garçon se fichait de lui, et profitait de la détresse de Graham. C'était un jeu qu'il haïssait. Cependant, il ne pouvait pas faire machine arrière comme il l'aurait fait avec un autre. Il ne se décomposait pas, même s'il était tentant de faire une scène ici et maintenant.

" - Je veux le reprendre."

C'était sorti trop rapidement pour être contrôler. Graham l'avait articuler doucement, mais ses paroles s'étaient imposées toutes seules. Tout ce qu'il souhaitait, c'était arraché Camilo à ce monde qu'il ne comprenait pas et dont il avait passé la majeure partie de sa vie à éviter.

" - Tu ne fais que me ralentir, c'est tout."

[Emilio] 

J'observais attentivement la moindre de ses réactions, voir quel sujet le titille ou non. On en apprend beaucoup sur les gens en les observant attentivement, le corps dit des choses que les mots ne retranscrivent pas quelques fois. Camilo était un cas à part encore, n'était-ce pas pour lui qu'il avait pris le risque de venir jusque là ? À ses exigences, mon visage s'assombrissait l'espace d'une seconde. Cet idiot pense pouvoir me donner des ordres, et qu'en plus de ça j'allais courir pour rendre ses rêves réalité ? 

“-Eh bien, on n'a pas toujours ce qu'on veut.”

Moi je voulais retrouver le Camilo que j'avais toujours connu. Parfait avec ses démons et ses pulsions que je connaissais, toutes. J'étais avec lui depuis le départ après tout. Peut-être était-ce lui qui avait toujours été près de moi. Mais voilà qu'il aura fallu qu'un idiot de cuisinier pour me le prendre.

"-Je te ralentis ? Ça n'aurait tenu qu'à moi, tu ne serais pas ici devant moi aujourd'hui.”

Mais je peux encore décider d'en finir avec sa vie ici et maintenant, n'est-ce pas fantastique le pouvoir ?