Partie 5 [Camilo x Graham]

[Graham]

Je ne m'attendais pas à ce que Camilo quitte l'eau sans protester plus que ça. Je l'ai regardé rejoindre le rivage, perplexe, avant de le suivre. Donc, il avait froid ? Persuadé, je commençais à frotter mes mains ensembles en soufflant à l'intérieur, pour les sécher et les rechauffer. J'en profitais pour le rejoidnre aussi, poussant l'eau qui maintenait mes chevilles ancrées dans le sable. C'était un drôle de type. Il pouvait bien me tordre le cou, il pouvait bien me tirer desuss, faire ce qui lui plaisait, il m'écoutait et prenait réellement en compte ce que je disais.

Une fois complètement sur le sable, je grimaçais à la sensation qui sable qui collait avec l'humidité. Ca part toujours quand on est complètement sec, autrement c'était comme essayer de nettoyer du colorant à main nue : on ne fait qu'agrandir la tâche.

Je commençais à réellement me poser la question de pourquoi il m'écoutait comme ça, et pourquoi, surtout pourquoi, il prenait le temps de me supporter et de rester avec moi. La promesse était un cadeau que je chérissais, bien entendu, et que je ne voulais pas remettre en question. Malgré tout, j'étais intrigué par le comportement de cet homme aux moeurs dangereuses qui avait juste choisi de suivre un autre homme à la plage par un caprice impulsif.

Je continuais à frotter mes mains, attendant qu'elles deviennent plus chaudes, pensif et confus.

[Camilo] 

“-Oh, tu peux rester dans l'eau. C'est pas parce que je ne suis plus dedans que je ne peux pas te suivre d'ici.” 

Je longeais une ligne imaginaire avec mes yeux, à la recherche de nos chaussures, à Graham et moi. Mon regard s'est arrêté plus loin, en voyant les mocassins, qui s'étaient prises du sable soulevé par la petite brise. Oh, il n'y aurait qu'à les secouer un peu, et elles seraient de nouveau toutes neuves.

Je passais mes mains derrière ma nuque, en la détendant un petit peu. Oh, le cri de tout à l'heure me revenait. Ce n'est pas la première fois que j'en entends un similaire, mais dans le fond je crois que ça me stressera toujours un peu... Est-ce que je l'admettrais un jour ? Jamais.

En voyant Graham sortir, son tee-shirt éclaboussé un peu, j'ai pouffé en me rappelant tout à l'heure. Oh, je suis bien content d'avoir éviter la guerre, je viens juste de penser à l'état de ma voiture si j'avais continué. Non, je m'emmêle les pinceaux: il a commencé.

Je penchais ma tête vers lui, pour qu'il se rappelle que j'étais là, parce que visiblement il n'a pas l'air ici, mais ailleurs. Ahaha, son corps est sorti de l'eau mais son esprit est resté dedans !

“-À quoi tu penses ?”

[Graham]

Mon regard s'est tourné vers Camilo, concentré et attentif lorsqu'il s'est avancé. J'en profitais pour placer, d'abord hésitant, une main sur sa nuque. C'était quelque chose qu'on me faisait souvent quand j'étais petit et une habitude que j'avais gardé. Le bas du crâne est l'endroit qu'il faut couvrir ou mouiller si on avait du mal à se tempérer. C'est fou à quel point on peut influer sur soi-même avec ça.

" - Couvre ta nuque si tu as froid, c'est ici que tu régules ta température."

A quoi je pensais ? Hm, grande question... Il fallait que je devienne conscient de mes réflexions pour les oublier aussitôt. Elles allaient et venaient et je n'avais aucun contrôle sur elles. Souvent, elles me jouaient des tours, même, alors pour ce que je les comprenais réellement... Mais là, j'avais encore toutes mes interrogations, fraîches dans ma tête. Je plongeais mes yeux dans ceux de Camilo, déterminant ce qu'il pouvait bien penser. Enfin, je ressentais les choses, mais je n'étais pas médium ou devin pour autant.

" - A toi, pour être honnête."

[Camilo]

Au moins, j'aurais réussi à ramener son esprit sur la rive. C'est même plus important que son corps d'une manière. Bien entendu, un esprit sans enveloppe corporelle ne pourra pas survivre. Il fallait juste trouver un juste milieu: si notre esprit restait bloqué au même endroit constamment, notre corps s'arrêterait de vivre. 

Son geste m'a pris de court, je ne vais pas mentir. Oh, je n'ai rien contre les gens tactiles -si je les connais au préalable, mais Graham, c'était la première fois qu'il le faisait je crois. Moi, je l'avais fait deux fois. La première fois pour lui dire qu'il ne fallait pas qu'il s'approche de moi -ce à quoi il m'a bien envoyé boulé, et l'autre ici même, en lui promettant de venir le sauver s'il se noyait. L'ironie du sort.

Je n'ai pas fait de gestes brusques, je ne voulais pas risquer de le braquer alors qu'il se sentait un peu plus à l'aise avec moi. 

Je disais un “d'accord” simple, et remplaçais mes mains là où la sienne siégeait, il y a encore quelques secondes.

“-À moi ?”

Tiens, c'est amusant ça !

“-Tu sais, vu que tu pensais à moi, et que quel hasard je suis là, je pourrais peut-être te renseigner. Je crois être un sujet que je maîtrise plutôt bien.” 

[Graham]

Je le regardais faire, laissant la place à sa main sur sa nuque. J'en profitais pour glisser mes doigs sur la mienne, regardant autour de nous pour retrouver nos chaussures. C'était de petits points sur le sable, de là où on était.

" - Oui, à toi."

Mes yeux sont revenus sur lui, le regardant de bas en haut pour trouver s'il se moquait ou non. J'ai haussé un sourcil, le sourire aux lèvres, amusé par son comportement. J'avais envie de poser toutes ses questions qui me torturaient l'esprit. Mais je ne me sentais pas du tout à l'aise pour les énoncer. J'essayais de trouver rapidement autre chose à demander, en le scrutant. Je prenais mon temps, soufflant doucement. Qu'est-ce que j'avais envie de savoir de plus sur lui ? J'avais envie de tout savoir, techniquement. Mais je n'avais pas non plus envie de poser les petites questions vides de sens, oh quelle est ta couleur favorite, ce genre de chose. Finalement, je m'avouais vaicu.

" - Dis moi quelque chose que je ne sais pas alors." 

[Camilo] 

Bon, je plaisante je plaisante mais tout à fait sérieusement qu'est-ce qu'il pouvait bien penser de moi que je ne puisse pas lui dire ? J'ai assez montré que dans la globalité des choses, je n'étais pas très secret. Les secrets, ce n'est rien de plus qu'un cadeau empoisonné pour qui l'ouvrira en pensant trouver quelque chose d'intéressant.

Oh, ce n'est pas du jeu ça. Tu ne connais rien à l'art de la conversation, Graham. Mais très bien, faisons comme ça.

Mais au moins je ne veux pas être le seul à faire la conversation. Je lui fais dos, en cherchant nos chaussures.

“-Seulement si tu le fais aussi.” 

Ah, les voilà. Pour appuyer ma dernière phrase,  je le pointe du doigt l'air de dire: “Et tu as intérêt à le faire”. Puis je m'éloignais un peu, pour récupérer nos chaussures. Aaah, il y a du sable qui se faufilait entre mes doigts de pieds !

J'ai beau lui dire ça, il n'était pas obligé de le faire, je comprends. On n'est pas tous comme moi, plus au moins ouvert sur ça personne.

Un truc qu'il ne sait pas sur moi....Commençons par des choses simples.

“-Je parle italien, couramment.” 

[Graham]

J'ai laissé entendre un petit râle, tournant la tête ailleurs. Hmpf, touché. J'ai hoché la tête, glissant mes mains dans mes poches en le suivant, tout en réfléchissant. C'est fou, comme il y a tant d'informations qui vous traversent et aucune que vous retenez. C'était ce qui se tramait dans ma tête, tandis que je cherchais des anecdotes, quelque chose, n'importe quoi pour me servirait.

J'ai tourné la tête vers lui, reprenant ma bonne humeur. Mon visage s'est fendu en un petit sourire moqueur.

" - Italien ? Etonnant, Monsieur Camilo Bertolini."

Bon, c'était une déduction qui était à double tranchant de toute façon. Soit on embrassait sa culture, soit on ne le faisait pas et je ne crois pas qu'il y ait réellement de signe pour le comprendre. En parlant, il n'avait pas d'accent. Et puis, je n'avais jamais pensé à faire le rapprochement. Maintenant, ça me semblait un peu logique.

" - Tu as appris de tes parents ?"

Bon, je supposais que ça serait un jeu de question réponse entre nous, et que j'allais y passer aussi. J'ai pris un peu de temps, encore un peu, pour réfléchir, avant de marmonner :

" - J'étais un terrible cuisinier il y a quelques mois. J'ai pratiquement menti pour avoir le job et bizarrement, ça s'est fait tout seul. J'avais besoin d'argent, alors, la faim justifie tous les moyens."

C'est vrai que c'était quelque chose que je n'expliquais pas. Tout suel dans mon appartement, ce n'est pas tant que je cuisinais mal, je ne mettais juste aucun effort dans ce que je faisais. Ca m'avait l'air d'être une corvée, et même faire des pâtes ou un cordon bleu était pénible pour moi. Bosser à La Luce avait été une sorte de révélation de ce côté là.

[Camilo]

“-Sì sì.” répondis-je en italien, pour amplifier la chose. 

C'était un truc banal, mais oui, je parlais italien. Je ne le parle plus, j'ai personne avec qui le parler de toute façon. En revanche je suis capable de le lire, de l'écrire, et de le parler si nécessaire. C'est dans ma culture propre. Et dans mon nom aussi.

“-De mon père surtout, ma mère était française.” 

J'ai ricané, avant de m'abaisser et de récupérer mes chaussures, au sol de sable sur lequel nous marchions. C'est mon père qui m'a enseigné la verrerie. Vu qu'il était de Murano, il l'avait appris là-bas, et quand il m'a eu il était si content d'avoir un fils à qui l'enseignait. Hmm, ils n'ont pas toujours été de mauvais parents, et puis je dois bien tenir ma gentillesse de quelqu'un.

C'est vrai ? Je tournais la tête vers lui, qui était debout. Je pensais bien qu'il fallait une formation pour ce genre de chose...

“-Oh, du coup c'est toi qui m'a préparé le risotto la première fois ?”

[Graham]

Je n'ai pas pu retenir un gloussement en l'écoutant. Je n'avais pas entendu beaucoup de langues différentes dans ma vie. Déjà parce que je restais cloîtré dans ce que je laissais entrevoir dans mon monde. Alors pour ce qui était de l'italien...

Je l'écoutais parler, le sourire aux lèvres. C'était amusant de l'écouter et d'en apprendre sur ce que les gens vous raconte. C'est aussi une manière de les connaître, quand on leur laisse carte blanche. Moi, par exemple, il a fallu que je commence par révéler encore un mensonge sur ma personne. C'était ce qui me semblait être le plus logique, et pourtant ça n'avait pas éclairci le mystère dont je m'entourais.

" - C'est pour ça que tu es aussi élégant, alors."

L'Italie et la France étaient de très beaux pays, réputé pour leur étiquette, leur gastronomie, leur mode et fashion.

" - Pour ce qui est du risotto, hm... oui et non."

J'ai eu un moment de silence. Ca me semblait être une réponse suffisante, mais en y réfléchissant je me disais que si on était aux moments des aveux, je ne pouvais pas juste m'arrêter là.

" - Je veux dire, dans une cuisine on est plusieurs à travailler ensemble, ça nous permet de gagner un temps précieux. Certains s'occupent des sauces, d'autres des poissons, et tout s'enchaîne très vite. Il faut d'autant plus communiquer les uns avec les autres, ce qui ne me facilite pas la tâche. Donc, non, je n'étais pas seul à le faire. Mais comme on était que deux et que l'autre n'est pas réellement cuisinier, on va dire que oui, à moitié."

[Camilo]

C'est vrai, l'élégance. Oh, ce n'était pas pour me vanter ou quoi, mais il faut bien admettre que j'aime bien être classe, pas dans l'extravagance non plus, mais classe. J'appréciais le confort d'une chemise, avais un faible pour les mocassins -oh ma collection de mocassins. Le seul endroit où on me verrait habillé sans effort, c'est chez moi. Tee-shirt, jogging...Y penser me semble ridicule pff.

“-Eh bien, sache que pour la moitié que tu auras faite, c'était très bon.”

Oh, tout le plat était bon. Mais c'est amusant de me dire qu'il y avait un peu de Graham dans ce plat. amusant, mais étrange comme façon de penser.

Je me suis relevé, parce qu'à tenir sur à la force de mes pieds, dans cette position, mes abducteurs commençaient à me faire un peu mal. Il me dépeignait son univers de travail, et ça me rappelait que moi je n'avais jamais connu un boulot normal. Au moins il avait le droit à ce semblant de normalité là.

J'attrapais le bout de mes mocassins avec mes doigts, pour les passer au dessus de mes épaules. Les deux pendaient, et le porte-clé était tombé dans la pointe de la chaussure où il était.