Chez Graham

[Camilo] 

Graham s'amusait beaucoup trop, à mon plus grand bonheur d'ailleurs. C'est si bon de le voir comme ça, j'aimerais qu'on reste figés dans ce moment à tout jamais, comme le cliché d'une photo. Des photos, il faut qu'on en fasse, par centaine. Mes doigts entouraient son poignet, non pas pour l'empêcher de faire quoique ce soit, mais simplement pour deviner un peu où est-ce qu'il se baladait comme ça, sur le papier de ma peau.

"- Si tu as une mandarine, je te montrerais."

Oui oui, j'ai besoin d'une mandarine pour ce tour de magie. Enfin, peut-on appeler cela un véritable tour de magie ? Ça relève plus de la beauté esthétique des choses.  Eh bien, je suis sculpteur après tout.

[Graham]

Graham fronçait les sourcils, penchant la tête d'un côté. Il pressait ses mains sur son torse et se rapprochait de lui, collait leur bassins ensemble et cachait son visage contre son dos.

" - Une mandarine ?"

Graham en avait, les agrumes étaient ses fruits favoris. Il restait un peu de temps comme ça, contre lui, profitait du contact, de la proximité, le poignet de Camilo qui le tenait. Il finissait par rompre le contact, aussi lentement qu'un voile que l'on retire, et s'accroupissait devant un placard qu'il ouvrait et en sortait une petite balle orange dans sa main, qu'il tendait à Camilo.

" - Elle te va, celle-là ?"

[Camilo] 

"- Une mandarine." 

Exactement. Une petite mandarine dans toute sa simplicité et son coeur. En recherche d'attention, je passais doucement mes mains sur ses avants-bras, le temps qu'il décide de ce qu'il veut faire ou non. Le temps que la nourriture repose, on peut bien faire quelque chose, et la dimension de la magie est un bon passe-temps. Une mandarine, pour l'instant c'est tout ce que je demande.

Graham donnait sa réponse en rompant le contact, et je venais me poser derrière le plan de travail, en m'asseyant sur une chaise avoisinante. En attendant qu'il revienne, je suis sage comme une image. La mandarine qu'il annonçait me convient amplement, je tendas la main, attendant de Graham qu'il la dépose ici même.

"- Tu peux même m'en donner deux en fait."

[Graham]

Graham haussait un sourcil, dubitatif. Il déposait la mandarine dans la paume de Camilo, l'observait un instant. Il aimait voir cette étincelle joueuse chez Camilo, mais il avait un peu de mal avec les tours de magie. Son côté pragmatique, peut-être ? Allez savoir. Mais il voulait voir ce que Camilo semblait fier de lui montrer, et si jamais, il pouvait toujours l'embêter à essayer de comprendre comment le tour fonctionne.

Il retournait chercher une seconde mandarine dans son placard, arrangeait deux trois choses à l'intérieur, et puis plaçait la deuxième dans son autre main.

" - Et maintenant ?"

[Camilo] 

Au visage perplexe de Graham, je ne pus retenir un petit rire affectif, soutenant du regard sa motion. Fais-moi confiance Graham, ça va te plaire, j'en suis sûr. Enfin, j'espère sincèrement que ça te plaira. J'étais content qu'il se laisse prêter au jeu, et tenait délicatement le fruit qui siège dans ma main. C'est fragile, il suffit que j'exerce une pression suffisante pour qu'elle casse sous le poids de ma force.  

Finalement le garçon revenait, et plaçait l'autre mandarine dans ma main. Parfait, parfait. Mon sourire apportait une délicatesse certaine, et je déposais au moins une des deux mandarines sur la table. Je suis content qu'il s'y intéresse un minimum, tout est dans la beauté du geste. Dans ma grande différence, j'ai toujours aimé qu'il y ait de la tendresse pour ponctuer la violence de ma vie. C'est peut-être pour ça que je n'avais pas la tête de l'emploi. 

"- Maintenant, admire. C'est mon premier tour de magie."

Oh, il peut regarder, il n'y a pas de petit détail à comprendre, tout est simple et faisable. Avec le bout de mon ongle, j'ai commencé à dénuder le fruit de sa peau, suivant une ligne directrice que je me suis tracé dans mon esprit. Le secret, c'est de faire une seule grande ligne, pas d'arrêt. Un seul coup d'essai pour entièrement éplucher la mandarine. 

Une fois la mandarine défaite de toute peau, j'attrapais la main de Graham et déposais le fruit dans ses mains. Il peut la manger s'il veut, je n'en ai pas besoin. Je gardais la peau plutôt, en commençant à faire une spirale avec. Ça adoucit le bout de mes doigts, je sens l'odeur de la mandarine qui s'imprègne sur mes doigts aussi. Dans des mouvements circulaires calculées je finissais par venir à ce que je voulais, banale mais charmant, j'avais fait une petite rose avec la peau de la mandarine, que je tendais vers Graham, tout sourire.

"- Je vous prie d'accepter mon cadeau, cher ami." 

[Graham]

De son visage, Graham abaissait ses yeux vers ses mains. Il observait tout ce qu'il pouvait trouver, ses manches, ses doigts, ses gestes. Est-ce qu'il comptait faire disparaître un fruit, ou l'autre, ou le rhabiller ? Comment ? Il penchait la tête d'un côté, récupérait la mandarine nue dans sa main. Il étudiait la mandarine un moment, avant de revenir déposer ses yeux vers ce que faisait Camilo. Il s'attendait tellement à quelque chose de spectaculaire, n'importe quoi, et être prêt à riposter avec ses arguments. Mais non.

Il fixait, incrédule, la rose que venait de sculpter Camilo. Les yeux grands ouverts, sa respiration se coupait et ses joues rougissaient à vu d'oeil, bien plus rouge qu'une pomme mûre, jusqu'aux oreilles. Il cachait sa tête dans son bras plié sur la table, tendant sa main vers Camilo pour qu'il lui donne la rose. Il ne pouvait plus le regarder dans les yeux pendant un moment après ça.

[Camilo]

Wow, qu'est-ce que c'est que cette réaction ? J'en souriais davantage, terriblement fier d'avoir pu faire réagir Graham de cette façon. C'est la chose la plus parlante quand on parle d'amour, une rose. Elle n'a pas nécessairement besoin d'apparaître sous cette forme, ceci dit. La peau de la mandarine qui imite à merveille la forme ondulée et majestueuse de la fleur marche tout aussi bien, peut-être mieux que Graham en vue de sa réaction. 

L'affection grandissait toujours plus, et je déposais délicatement la rose dans le creux de ses mains pour qu'il puisse la voir de plus près.  Amusé, je venais sentir le creux de ma main qui a servi de maison au fruit. L'odeur est restée.

"- Alors, ça te plaît ?"

[Graham]

Doucement, il enroulait ses doigts autour de la rose artificielle et la ramenait près de lui, en dessous du comptoir. Il pouvait l'observer, le front contre son bras, alors qu'il se dandinait d'un pied et de l'autre nerveusement. Il la tournait, la retournait, l'observait. La couleur était belle, et par souvenir, il essayait de se rappeler de l'odeur. Ca faisait longtemps qu'il n'avait plus rien senti.

" - Elle est parfaite."

Est-ce que c'était le talent de Camilo, est-ce que c'était pour ce que la rose représente, ou bien le fait que ça vienne simplement de lui ? Ah, s'il pouvait la garder longtemps contre lui sans risquer qu'elle ne dépérisse plus vite qu'une véritable fleur.

" - Et on est plus amis."

[Camilo]

Quel est l'intérêt de faire une chose pareille si Graham n'est pas intéressé ? J'espérais que les choses banales peuvent toujours l'émerveiller, parce que dans les fond c'est ce qui m'a fait le plus tenir à la mafia avant qu'il n'arrive, réussir à transformer des choses simples en de belles choses.

Mon sourire était comme un espèce de spasme incontrôlable, finalement trop agréable pour que je cherche à dissimuler ma fierté plus longtemps. Il la trouve parfaite, c'est une des nombreuses preuves d'amour que je peux lui donner et ça lui plaira. Je peux faire ça, donner mon énergie dans l'expression de sentiments tels que ceux-là, si le résultat finale est de voir Graham comblé. 

Sa remarque suivante en d'autant plus adorable. Tout content, je me penchais sur le comptoir, les coudes sur la surface, il suffisait de me balancer légèrement vers l'avant. Doucement, je déposais un baiser sur ses cheveux. Je sais, on n'est plus amis.

"- On est encore mieux que des amis."

Puis plus bas, je murmurais pour que lui seul entendre.

"- Je te prie d'accepter mon cadeau avec tout l'engagement de mes sentiments, mon amour." 

Si Graham ne sait pas où se positionner vis-à-vis de ce qu'il veut avec moi, pas encore, moi j'y réfléchis suffisamment longtemps pour savoir de quoi il en retourne. 

[Graham]

Oh c'était la goutte de trop. Ses joues étaient brûlantes, et il se redressait instantanément, comme un jouet à ressort. Avec maladresse, il essayait au moins de ne pas bousculer Camilo qui devait se pencher au-dessus de lui. Graham était rouge rien qu'à l'entendre parler et lui donner ces surnoms là.

Il fronçait les sourcils, essayait d'avoir une image impeccable et sérieuse. En réalité, Graham fondait complétement. Il aurait voulu se glisser dans ses bras, rester comme ça un long moment, parler de tout et de rien quelle importance tant que c'était dans ses bras à lui, et qu'ils pouvaient se murmurer qu'il s'aiment ici et là, entre deux phrases presque incohérentes.

Il gardait la rose dans sa main, essayant de ne pas l'abîmer, et bafouillait en même temps, ne sachant pas quoi répondre à ça. Il secouait juste la tête avec un sourire nerveux.

" - Mon amour ?"