Chez Graham

[Camilo]

Chez Graham, il n'y a absolument rien à réparer . Il n'est pas cassé, et ce n'est certainement pas pour ça que je souhaite être avec lui, à aucun moment je n'ai montré des airs de super héros à qui que ce soit. Mais si au moins, je peux réussir à le mettre plus en confiance vis-à-vis de lui, qu'il ne doute plus autant que maintenant, ça serait fantastique. Je me donnais pour objectif de lui prouver ma loyauté et mon amour, et ce jusqu'à la fin de la vie s'il le faut. 

Graham était hypnotisé par mes yeux, et tant mieux. C'est qu'il le voit, il le sait, il le sent. Je l'aime. La tentation étant trop grande, à un moment je ne pouvais plus me réfréner de profiter de ses lèvres, et m'y coupais. Je l'embrasser doucement, en passant ma main à son cou pour incliner sa tête. Il fallait que nous peaux se touchent le plus possible, j'en ai besoin, ce n'est pas possible autrement. Mes bras sur sa taille se referment un peu plus fermement. 

Comme étant le premier à initier, j'étais le premier à arrêter le mouvement, sauf que je me démarquais seulement de quelques centimètres de ses lèvres. Mon visage est toujours penché sur le sien, et dans les yeux de Graham c'est simple que de comprendre qu'il en veut encore plus. Je souriais doucement, et j'adorais pouvoir répondre à ses attentes mais... 

Le même sourire aux lèvres, je murmurais à peine, presque touchant les siennes.

"- Les légumes vont brûler."

[Graham]

Camilo a du charme, et il sait y faire. C'est compliqué de résister à ça, même si Graham le voudrait bien. Ce n'est pas comme s'il voulait tout recevoir tout de suite, sur un plateau d'argent. N'est-il pas bon aussi d'attendre un peu ? En même temps, ses baisers étaient parfaits, et sa main sur sa gorge...

Quand il rompait le baiser, Graham aurait pu jurer de s'être entendu le supplier de recommencer. Il ne savait pas s'il l'avait prononcé ou si ses yeux parlaient pour lui, quelle importance. Camilo allait presque l'embrasser une seconde fois...

Et puis non. Immédiatement, Graham agrippait sa main pour le faire se décaler de lui, et l'utilisait pour le faire reculer et rompre tout contact.

" - Ah ! C'est de ta faute, ça, si tu ne me déconcentrais pas !"

Il avait les joues rouges, et il espérait que ce soit à cause de la chaleur qui se dégageait de sa cuisinière, et rien d'autre. Il venait récupérer une cuillère en bois, qu'il montrait à Camilo comme une menace planante, avant de l'utiliser pour retourner un peu les légumes.

[Camilo] 

Au début, c'était de la déception que je ressentais en voyant Graham arrêter le contact, puis très rapidement de l'amusement, avant que je ne finisse par rire doucement en étant spectateur de la scène. Une distraction ? Dans un contexte qui n'impliquerait pas que le garçon puisse potentiellement se blesser, j'étais presque désireux de le déconcentrer, mais c'était assez pour le moment. Je me contentais de m'adosser au petit comptoir derrière, un sourire ineffaçable sur les lèvres. On a tout le temps du monde pour s'embrasser après tout. 

"- Oublie pas qu'il me reste un tour de magie à te montrer, après."

[Graham]

Graham avait peur de s'être montré trop brusque. Il restait concentré sur ce qu'il faisait, allant chercher la viande qu'il lui fallait pour la décongeler un peu. C'était la partie un peu compliquée, Graham ne devait pas la cuire complétement pour l'instant. En même temps, il jetait quelques coups d'oeils à Camilo, à mi-chemin entre la rancune - qu'il ne pensait pas vraiment - et un peu d'inquiétude à l'idée de l'avoir repoussé comme il l'avait fait.

Il essayait de ne pas y penser, en faisant tomber la viande dans sa poêle avec les légumes.

" - Promis."

[Camilo]

Le second tour de magie est moins romantique que le premier, de surface. Mais sur le fond en revanche, ça pourrait bien rejoindre le thème si on trouve le moyen de s'en servir correctement. De plus, contrairement à la rose, la chance pour que je ne mène pas le tour à bon escient est plus grande, dans la réalisation c'est plus subtil, et pourtant le support de base reste le même : une mandarine. 

Je fus tenté de demander à nouveau si Graham a besoin de mon aide, sauf qu'à force de réitérer ma demande, j'ai peur qu'il finisse par se trouver agacé, ça doit être épuisant de devoir se répéter en permanence. Ceci dit, j'espère qu'il n'hésitera pas à me demander de l'aide si jamais.

 La chose la plus drôle est que je superpose ces moments aux rares souvenirs qu'il me restait de ma mère. Elle qui cuisine, la bonne odeur qui se répand dans la cuisine. Mon père dans son atelier, à souffler le verre, à manier le fer qu'il aprivoisait avec une aisance innée. Ces derniers jours je repense souvent à mes parents, penser que ma sortie du monde de la pègre n'a rien à voir avec tout ça serait naïf. C'est la première fois depuis longtemps que j'ai la chance d'expérimenter une vie comme celle-ci, et Graham y est pour beaucoup. Doucement, je venais attraper la mandarine privée de peau, que Graham a dû reposer sur la table après que je lui ai tendu. Par ennui, j'epluchais quelques quarts, que je mangeais par la suite.

[Graham]

C'était naturel de cuisiner comme ça, mais parfois Graham se rappelait qu'il ne sentait rien. Il passait souvent des épices sur son index et l'apposait sur le bout de sa langue, autrement il s'était toujours fié aux commentaires des autres. Ce petit détail le fit légèrement rire, alors qu'il essayait de couper la viande hachée avec sa spatule.

" - Est-ce que ça sent bon ? Ca devrait aller mieux tout à l'heure."

Quand les lasagnes seront prêtes, ce sera mieux, il l'espérait du moins. Ca lui manquait, de sentir ce qui se passe autour de lui, la terre humide, l'air salé de la mer, le parfum de sa mère. Toutes ces choses qu'il essaye de se rappeler.

" - Ledger a la manie de toujours tout me décrire. Au départ c'était juste pour m'aider, je ne peux pas savoir si j'ai laissé le gaz allumé ou bien si quelque chose n'a pas tourné. Maintenant, il me décrit tout ce qu'il lui parvient."

[Camilo]

Hmmm, la mandarine est savoureuse. Juteuse, sucré au goût de notre enfance. Réconfortante, surtout : je suis ravi de constater que je suis toujours sensible  à la douceur de choses aussi simples. Oui. C'est des choses toutes bêtes, la forme de vie la plus pure, la nature qui nourrit l'homme et non autrement. C'est les choses les plus simple qu'on a envie de partager aux autres, puisqu'on a tendance à les oublier et à vouloir plus. J'ai relevé les yeux vers Graham, dos à moi, cuisinant avec une passion que je peux ressentir même sans le voir, je ne veux plus manger cette mandarine tout seul.

Avec la délicatesse d'un faon, je m'approchais de lui. J'ai cru comprendre que je le distrait de son travail, alors il fallait que je reste à bonne distance pour ne pas le déranger. Lorsque je l'ai à proximité, j'attirais son attention en tenant doucement son épaule. Une fois qu'il se tournait vers moi, je lui tendais le quart du fruit que je n'avais pas mangé. Libre à lui de la prendre ou non.

"- Ça sent bon." 

Le temps qu'il se décide vis-à-vis de la mandarine, il mentionnait un prénom auquel je suis confus. Moi qui veut lui laisser de l'espace, maintenant qu'il a parlé de Ledger, la seule chose que je veux faire c'est refermer la distance autour de lui, juste pour être sûr.

"- C'est un bon ami."

 Ami, oui, et c'est tout ce qu'il restera jamais. Mais justement, si Graham le tient en estime, je ferais mieux de réfléchir à deux fois à ce que je vais dire. Puis ce n'est pas comme si je détestais Ledger, loin de là, mais à l'aube de notre relation Graham et moi je mentirais en affirmant que je ne me sens pas menacé par cet homme qui a, malgré tout passé beaucoup de temps avec le cuisinier.

"- Je suis content qu'il ait été là pour toi."

Quand moi j'en étais incapable. Ugh.

[Graham]

Graham avait tellement d'anecdotes au fond de lui, qui lui revenait en faisant les choses mécaniquement. C'est bien de cuisiner, et il adore ça, mais il y a quelque chose d'automatique, comme faire du vélo, qui ne nécessite pas de réfléchir, juste de faire attention. Il ne savait pas ce que Camilo pouvait en penser d'une telle anecdote, c'était juste que Graham y pensait, qu'il voulait raconter quelque chose qui le touche, à la seule personne qui compte.

Il sortait rapidement de ses pensées en sentant la main de Camilo se poser sur son épaule, et lui tendre un morceau de la mandarine qu'il mange dans son dos. Graham souffla du nez, amusé, récupéra les petits morceaux de quartiers qu'il défaisait petit à petit et glissait entre ses lèvres. Ses fruits favoris, définitivement.

" - Ne dis pas ça. Chacun a sa place, et tu n'étais pas là pour une bonne raison, non ? De toute manière, ce qui est fait est fait. Réjouis toi d'être là, c'est tout ce qui compte."

[Camilo] 

Une bonne raison, une bonne raison... Non, c'est juste une très bonne excuse. Il n'y a rien, et je dis bien rien qui ne puisse justifier la façon dont je l'ai traité. À l'abri des yeux du garçon, je grimaçais doucement, et je voulais faire passer  ces mauvais souvenirs en dégustant davantage le quart que je n'ai pas donné à Graham. La douceur face à l'amertume.

"- Je n'ai pas dit ça pour ça. Je le pense vraiment, c'est un bon ami." 

Évidemment que je le pense, mais en même temps si je l'affirme à une voix haute, c'est que sans le dire j'espérais que le principal confirme cette version. C'est son ami, rien de plus... N'est-ce pas ? 

"- Pourquoi tu ne sens plus les choses ?"

[Graham]

Graham jetait un coup d'oeil derrière son épaule, observant Camilo. Oui, c'était son ami. Il haussa les épaules et avala rapidement les derniers morceaux de mandarine qu'il avait dans la main, avant d'éteindre le feu sous la poêle et de l'agiter un peu.

" - J'ai été cruel avec lui. Au départ je ne voulais rien avoir avec lui, mais maintenant on est un peu inséparable. Si j'avais su, il y a tellement de fois où je l'ai oublié..."

Graham riait un peu amèrement. Il s'était amusé à ignorer Ledger, et peut-être qu'il s'en était rendu compte mais avait continué tout de même à parler à Graham. Il ferait mieux de lui envoyer un message pour savoir comment il va.

Graham préparait un large plat dans lequel il plaçait les pâtes plates lorsque Camilo lui posa la question. Graham n'osa pas relever la tête, passant sa langue sur ses lèvres avant d'avoir un petit rictus honteux.

" - Je me suis bousillé le nez avec la drogue. J'ai fait une overdose, et après ça j'ai préféré la passer en seringue. C'est toujours plus facile, et à force je ne sens plus tant l'injection. Il faut juste faire attention à désinfecter, c'est tout. C'est toujours mieux que de prendre de la poudre, les dealers du coin les 'signent'. En gros, tu peux deviner à quel dealer appartient quel sachet si tu examines les composants. Ils vont pas tous la couper avec la même chose, ça donne des mélanges uniques. J'ai morflé avec l'un d'eux, voilà tout."