Chez Graham

[Camilo]

Oh wow, j'ai reculé de justesse, en sentant Graham bouger un peu plus que le moment précédent, et lorsqu'il releva la tête ses rougeurs devinrent presque contagieuse, à intensité moindre cependant.

Si défense quelconque il devait y avoir, les dernières tombaient en même temps que mes yeux se déposaient sur le plus petit de nous deux. Graham essayait de garder de cette prestance, cette image, et moi je souriais davantage, ravi que mes mots suffisent à le mettre dans un tel état. Ses réactions sont si douces que je voulais passer au crible la richesse de ce langage, connaître les mots qui font fondre Graham pour pouvoir les employer et l'avoir sous mes doigts.

Mon amour, oui. J'étais pris d'un petit rire timide à mon tour, que je venais étouffer dans le creux de ma main, alors que je m'approchais de nouveau.

"- Oui, c'est ce que j'ai dit. Je peux le redire si tu veux."

[Graham]

A force de la regarder, Graham était happé en même temps qu'il essayait de se déconcentrer. La volonté de son esprit ne l'emporte jamais sur son coeur, mais il se disait que sa décision satisferait les deux parties de son être. Il posa donc doucement la rose dans un coin de son comptoir, sachant qu'il ne mettrait jamais rien là-bas et qu'elle ne risquait rien.

Dans un autre temps, il se préoccupait l'esprit et recommençait à cuisiner. Il récupérait les légumes et les glissait dans la poêle, en même temps qu'il pouvait sentir son coeur battre. En même temps qu'il lui tournait le dos, il pouvait sentir son sourire se poser sur lui, son regard aussi. Son ton était un peu plus autoritaire, mais sa voix se voulait presque inaudible.

" - Redis-le."

[Camilo] 

À ce stade là, être autant fleur bleue relève de la génétique plus que d'un processus d'intériorisation. Un côté de ma personnalité qui se contrebalance au tueur que je me suis forgé, ce côté froid et irrationnel qu'on me demandait à voir, et qui contre toute attente était capable de faire surface lors de mes pires moments. Ne réfléchis pas, tire. Personne ne te le prendra, et personne ne te fera plus jamais de mal. 

Graham, quant à lui s'est fait silence pendant un certain temps. Seul le son du crépitement des légumes lézardait entre les murs de sa petite cuisine. Eh bien, mon spectacle est si déplorable pour qu'il me tourne le dos comme ça ? Il me reste une mandarine dont je ne saurais plus rien faire s'il ne me regarde pas.

Quand sa voix émergea une nouvelle voix, c'était sous des intonations nouvelles, complexes. L'autorité face au silence, le désir face au devoir. Mais quel devoir ? Il peut me dire ce qu'il veut, la philosophie n'est pas une chose qui nous manque entre lui et moi. Je me mordais un peu la lèvre, avant de répéter.

"- Mon amour."

Je peux même faire mieux. Je venais me glisser contre son dos, la tête par dessus son épaule alors que je déposais un baiser sur sa tempe, affectueux. Son oreille proche, je répétais la même phrase, en italien cette fois, avant de me coller contre lui, en fermant les yeux.

"- Merci."

[Graham]

Graham avait les joues rouges. Il y a quelque chose dans ce mot, et la manière dont Camilo le prononçait, que Graham ne pouvait pas attraper. Il pouvait se le repasser en boucle en tête, lui redemander de se répétait, est-ce que ce serait suffisant ? Il voulait plus, comme s'il pouvait tout posséder.

Il sortait un peu de ses pensées lorsque Camilo se plaçait dans son dos, le serrait contre lui. Il se laissait instinctivement tomber en arrière contre lui, le laissant guider ses gestes et tenir son corps. Ses mots... Même en italien, même s'il ne comprenait absolument rien, il pouvait sentir l'amour que Camilo plaçait à l'intérieur. C'était doux comme du miel. Graham fermait les yeux en l'écoutant, la tête penché d'un côté...

Et les rouvrait subitement, les poings serrés.

" - Ne le dis plus jamais à quelqu'un d'autre."

[Camilo] 

À cet instant, j'ai l'impression que jamais je n'ai vécu une autre vie que celle-ci, et si seulement. Combien rêve de n'avoir que du bon, de ne pas se coltiner les mauvaises choses de la vie ? Malheureusement c'est une idéologie idéaliste, en plus d'être presque une idée toxique. Que peut-on attendre de la vie si on ne sait que les bonnes choses, comment apprécier un moment à sa juste valeur si on n'a pas connu quelque chose de pire pour le mettre en avant ? C'est pour ça que les moments avec Graham valent tout l'or du monde, à l'heure où je parle. 

Qu'est-ce qu'il lui prend d'ailleurs, au petit bout de chou ? Je me suis à peine décalé de son épaule, pour voir l'expression de son visage, et surtout pour comprendre la tension qui prend en otage ses épaules, et le reste de son corps. Il est dans mes bras, je le sens davantage. Alors savoir que ce qui le fait parler c'est la possessivité est une surprise. Certes, ce n'est pas la première fois qu'il m'avoir être jaloux, mais l'échelle est plus impressionnante. 

"- Je ne veux le dire à personne d'autre." 

C'est à toi, que je suis toutes ces choses après tout.

"- Je te l'ai dit, le seul dont j'ai envie d'être le roi, c'est toi. Enfin, je n'ai rien d'un roi mais... Le seul à qui je veux consacrer tout mon temps, il est dans mes bras."

[Graham]

Le garçon ne regardait plus réellement ce qu'il faisait, ou la cuisine étalée devant lui. Il pensait à Camilo, qui le tenait contre lui, dans son dos. Il prend toute la place et l'étouffe à l'intérieur de ses bras. Ce n'est pas une mauvaise chose, bien au contraire. C'est un alcool bien doux dont Graham est la victime sensible et parfaite.

Il serrait les mâchoires en l'écoutant, baissant les yeux avec embarras. Malgré tout, il ne se décourageait pas, et restait le dos droit contre son compagnon.

" - Et si tu trouvais mieux ailleurs ? Je ne veux plus te laisser partir maintenant..."

[Camilo]

Graham a besoin d'être rassuré de façon régulière, ce qui est loin d'être un problème je peux largement faire ça. On a nos propres forces, peut-être serais-je capable d'apporter à Graham plus de confiance, de la douceur aussi qui sait là où il ne pense qu'à ses insécurités et ce de façon constante. Graham de son côté, arriverait peut-être à faire ressortir ce qu'il y'a de meilleur chez moi, apaiser le monstre qui sommeille et réussir à vivre avec. C'est aussi ça, aimer. Évoluer avec l'autre.

Je le serrais un peu plus, en affirmant ma possessivité vis-à-vis de lui à mon tour. 

"- Je ne veux pas mieux."

Je ne veux pas la perfection, c'est nos imperfections qui nous rende parfait quelque part. Je déposais un baiser à la base de son cou.

"- Tu crois que si je te répète tous les jours que tu es magnifique, que tu as un grand cœur et que je t'aime tu finiras par ne plus douter de toi ?" 

Reste plus qu'à essayer.

[Graham]

Si c'était sa manière de lui faire avaler des couleuvres, alors... Graham se laissait faire, fermant les yeux et laissait retomber ses bras à ses flancs, soupirant.

" - Je ne veux pas y croire."

Il coupait peut-être l'herbe sous le pied de Camilo, le stoppait net dans son élan. Ce n'était d'ailleurs peut-être même pas ce qu'il voulait entendre, d'ailleurs. Comment est-ce qu'on doit se sentir en sachant que notre compagnon rejette la simple idée positive que l'on peut émettre de lui ? Graham espérait à ne jamais y être confronter lui-même.

" - J'ai peur que tu finisses par ne plus me le dire et l'oublier toi-même."

[Camilo] 

Il ne veut pas y croire ? Et bien, encore mieux j'ai presque envie de dire. Ainsi, ça me donnera toujours un prétexte pour lui susurrer des mots doux, le chérir comme il mérite de l'être, comme il mérite qu'on lui offre le meilleur. Mais sa confiance en lui, ce n'est pas négociable, je veux qu'il puisse se sentir bien dans son esprit. Mais le garçon est si anxieux de tellement de choses que même pour moi, ça peut être compliqué de trouver les mots juste, ceux qui lui feront comprendre que je ne vais nulle part, certainement pas. C'est de lui dont j'ai besoin, pas du reste.

"- Tu sais, hier soir, tout ce que j'ai ressenti quand tu m'as embrassé je ne risque pas de l'oublier. Et si je ne peux pas te le dire oralement, je trouverais toujours une autre façon de te le faire parvenir. Il y a mille façon de dire à quelqu'un qu'on l'aime." 

Je tournais sa tête pour qu'il puisse me regarder.

"- Commencer par me regarder dans les yeux, il y en aura toujours une."

[Graham]

Graham râla un peu lorsqu'il bougeait sa tête. Ses paroles, ses mots, mon dieu, ses mots... Graham avait envie de les avaler, autant qu'il souhaiterait presque les lui arracher de la bouche. Il voulait les entendre des journées entières, Camilo qui reste à ses côtés et qui n'en finit plus de lui dire combien il l'aime.

Il ouvrait les yeux et trouvait rapidement les siens à la moindre demande faite. Lui qui voulait avoir le contrôle ne devait pas avoir une fière allure. Ca a aussi du bon parfois de lâcher un peu les rênes de temps en temps. Mais ses yeux sont magnifiques, son visage est le plus doux qui puisse exister, et Graham ne voulait plus le quitter. Comment ne peut-il pas penser une seule seconde que Camilo serait mieux sans lui, sans Graham ?